Un avant-poste historique

Il ne reste plus rien de l’authentique fort Sainte-Thérèse, dont certaines balises témoignent de son emplacement à Carignan. L’édifice a contribué à l’établissement de la Nouvelle-France.

Des poteaux sont dressés devant une forêt d’arbres, coincée entre le Richelieu et le chemin Sainte-Thérèse à Carignan. Un panneau en haut affiche « Fort Sainte-Thérèse ». « Les poteaux respectent les normes de l’époque afin que les visiteurs puissent se rendre compte de sa taille, souligne Réal Fortin, historien, spécialiste du lieu. Une double palissade avait été construite avec une banquette d’un pied et demi de haut. Cela permettait aux soldats d’être juste au-dessus de la hauteur d’homme et permettait d’être plus efficace afin de tuer les ennemis. Les défenseurs n’étaient pas tout en haut du fort, comme on peut le voir couramment dans les westerns. »

L’époque en question est celle de la Nouvelle-France. En 1665, Chambly est créé. Le fort Sainte-Thérèse lui emboîte le pas. « Il est construit par l’armée française, soit le régiment de Carignan, pour en faire un avant-poste. La zone est menaçante à cause des Iroquois, poursuit l’historien. Le but est de pacifier tout ce secteur. Pour cela, trois forts en pieux sont construits : celui de Sorel, de Chambly et enfin Sainte-Thérèse, qui est le plus avancé. »

Le fort, construit au bord de la rivière, a un but stratégique et pas uniquement militaire. Réal Fortin précise. « C’est un poste de relais pour la nourriture, les embarcations et les hommes. Sa proximité avec les rapides permet aux navigateurs et aux marchandises d’y débarquer et de rembarquer par la suite pour gagner le sud. »

Les Iroquois et les Anglais

La Nouvelle-France gagne du terrain dans la région, mais les attaques iroquoises restent régulières. « Les Français ont attaqué et ont détruit des villages, explique le membre de la Société d’histoire de la seigneurie de Chambly. Ensuite, une entente de paix est conclue avec la nation. Cela permet à Chambly de s’établir. Pour ne pas offusquer davantage les Autochtones, les soldats sont retirés des forts avec une limite établie à Chambly. Après quelques années, le bois commence à pourrir. »

Détruit mais reconstruit

Le secteur pacifié, le fort garde tout de même une certaine utilité. Réal Fortin bascule ainsi dans la première moitié du XVIIIe siècle, vers 1730. « Chambly est un poste frontière. Le marché de la contrebande de fourrures utilise le fort Sainte-Thérèse comme lieu d’échanges avec les Amérindiens. »

Mais la guerre n’est jamais loin. À l’aube de la conquête de la Nouvelle-France par les Anglais, le fort Sainte-Thérèse est reconstruit. « Dès 1747, plus précisément, poursuit Réal Fortin. Les guerres se multiplient avec les Anglais et les Iroquois. En 1760, les Français brûlent leur propre fort en voyant arriver des hordes d’Anglais, trop nombreuses à repousser. Le fort de Saint-Jean subit le même sort. Celui de Chambly est épargné, car il est en pierres. »

À partir de là, les versions divergent. « Les Britanniques affirment avoir brûlé le fort, mais ce sont certainement les entrepôts qui ont disparu, soutient l’auteur du livre Le fort Sainte-Thérèse et la Nouvelle-France. J’ai des documents prouvant aussi que les Anglais ont conquis le fort de Chambly sans tirer une balle. Ils ont fait une muraille humaine avec les femmes et les enfants de la ville afin de forcer les 60 soldats français à l’intérieur du fort de se rendre. »

Il est aujourd’hui possible de visiter la forêt où se trouvait le fort en longeant le canal de Chambly à vélo ou à pied. « Des fouilles de Parcs Canada, de 2008 à 2010, et une photo aérienne ont permis de retrouver un morceau de pieu du XVIIIe siècle, affirme Réal Fortin. Le bois des pins du secteur était prisé pour construire les forts, comme celui de Saint-Jean. »