Un réflexe salvateur

Dominic Stébenne a reçu la médaille du civisme pour avoir sauvé des vies lors d’un accident sur l’autoroute 15. Le Chamblyen reste traumatisé par cette expérience.

Nous sommes le 7 mars 2019. Dominic Stébenne est chauffeur routier spécialisé dans les matières dangereuses. Ce jour, il transporte 25 000 litres d’acétate de vinyle, un produit hautement inflammable utilisé en tant qu’adhésif et dans les peintures à séchage rapide. « Je roule sur l’autoroute 15 à proximité de l’échangeur Turcot, se souvient-il. Soudain, je vois un camion à quelques centaines de mètres devant moi frapper le garde-fou et s’envoler pour atterrir sur le flanc! Mon premier réflexe a été d’immobiliser mon véhicule sans heurter qui que ce soit car deux ou trois voitures restaient entre nous deux. »

Pas le temps de réfléchir

À peine descendu de son camion, Dominic Stébenne perçoit un gros problème. « Le moteur du camion accidenté continue de tourner. Lorsque je l’ai entendu, je comprends qu’une explosion est possible. Pire encore, ce camion transporte aussi des matières dangereuses, soit 1 000 litres de propane. Et le liquide coule jusqu’à ma cargaison. Si le premier camion explose, le mien aussi. D’après moi, l’échangeur n’aurait pas résisté face aux deux explosions et l’accident aurait pu provoquer des centaines de morts! »

Instinctivement, le quadragénaire se rue vers la cabine du camion accidenté pour essayer d’éteindre le moteur juste en tournant la clé. « Une femme essaye de secourir le chauffeur mais il est clairement décédé. La cabine est défoncée. J’enfonce donc le pare-brise à coups de pied, me faufile aux côtés du chauffeur pour tourner la clé. L’autre moyen est de déconnecter la batterie mais elle est inaccessible vue la position couchée du camion. »

Reconversion

Une fois le camion éteint, les secours viennent pour effectuer leur mission. « Les sauveteurs m’ont dit que j’avais pris un risque inconsidéré car tout pouvait exploser à n’importe quel moment, se souvient-il. Mais sur le fait, je n’ai pas eu le temps de réfléchir. Je ne me voyais pas me sauver moi-même en laissant des victimes potentielles. Je m’en serais voulu toute ma vie! Mais depuis cela, je vis un traumatisme. Je ne peux plus reprendre ma profession, et c’est dramatique pour moi car c’est ma passion. Aussi, cela a pris du temps pour juste reconduire à nouveau. »

Aujourd’hui, Dominic Stébenne vit au Paraguay avec sa femme en attendant de revenir en Montérégie pour travailler. « Je profite du pays avec ces merveilleux paysages entouré de ma belle-famille. Cette expérience m’a permis de me rendre compte que nous ne sommes pas invincibles. Je pense à retourner aux études. C’est sûr que je ne peux plus conduire un camion ni manipuler des matières dangereuses. »

Absent lors de la cérémonie, le Chamblyen a été représenté par sa mère. « J’aurais vraiment aimé être là. Je ne l’ai pas fait pour la médaille. N’importe qui aurait pu faire ce que j’ai réalisé ce jour-là, mais personne n’a bougé. D’ailleurs, l’homme qui est paru dans les médias pour raconter la scène et dire que la catastrophe a été évitée m’a juste regardé faire. J’ai trouvé ça drôle sur le coup. »