« Laissez-moi vivre »

Le comportement des parents dans les enceintes sportives pose question chez plusieurs. Une certaine culture de la gagne à tout prix, les encouragements exacerbés et la haine de la défaite ne sont pas sans conséquences sur l’avenir de leurs enfants.

Motiver, c’est bien. Mettre la pression, beaucoup moins. Depuis quelques années, l’attitude de certains parents de joueurs, tous sports confondus, s’est radicalisée autour des terrains. Les encouragements ont laissé place, par moments de plus en plus fréquents, aux insultes, voire aux provocations. Cette année, un parent de joueur du hockey mineur de Chambly a insulté un arbitre de 15 ans à la fin d’un match. À Marieville, des tensions et des rancœurs entre parents, voire envers le personnel pour des questions de temps de jeu et de rôle dans le vestiaire, sont montées au point que des fossés relationnels se sont créés au sein d’une même équipe, toujours dans le hockey. Et les autres sports sont aussi touchés par ces phénomènes.

« C’est une tragédie, commente Aicha Nora Dembri, psychologue au Phoenix à Longueuil. Je rencontre davantage de cas actuellement à ce sujet. Depuis quelques années, les parents vouent des idéaux pour les enfants enracinés dans leurs propres échecs. C’est une forme de narcissisme, un rehaussement artificiel de l’estime de soi. »

Ces écarts de conduite changent forcément la relation parent-enfant et le rôle des parents dans la famille. La spécialiste poursuit. « L’amour inconditionnel envers les enfants n’existe plus. Dans les anciens modèles de famille, le parent avait conscience de sa parentalité et l’enfant avait une limite. Puis, la famille est devenue plus moderne, avec un père et une mère davantage égaux, mais toujours avec une barrière transgénérationnelle. Des pratiques perdurent tout de même si les parents sont soumis à des règles religieuses ou culturelles. Aujourd’hui, l’autorité parentale est perdue en général. Si l’enfant connaît le succès, le parent sera jugé comme bon. Dans le cas contraire, il s’agirait d’un mauvais parent. »

Des conséquences négatives

La course au succès dans un sport-loisir, la pression exagérée pour un match pee-wee et les drames humains qui se jouent autour d’un terrain de soccer ou d’un aréna gâchent l’avenir des enfants. « Cela crée des enfants insécures, regrette la psychologue. Désormais, chaque fois qu’un enjeu compétitif se présentera sur leur parcours, cela peut être aussi dans le domaine scolaire, ils feront preuve d’anxiété. »

L’enfant pourrait adopter un autre comportement qui lui causerait encore plus de dommages. Il s’agit de l’autosabotage. « L’enfant veut montrer son opposition face au désir du parent, affirme Aicha Nora Dembri. C’est sa manière à lui de contester. Ainsi, au lieu de poursuivre de la manière dont ses parents obligent, il va se détruire lui-même. De cette manière, il souhaite dire à ses parents »Laissez-moi faire mes choix! ». »

Objectif difficile à atteindre

À peine 1 % des jeunes deviendront professionnels dans leur sport. Une réalité qui peine à être comprise par beaucoup de parents. Pour parvenir à offrir une vie équilibrée aux jeunes, la psychologue rappelle le rôle que les parents doivent jouer. « Le parent doit guider le désir de son enfant, le voir grandir et s’épanouir. L’enfant ne peut être le garant narcissique du parent. »

Pour conclure, laisser davantage d’autonomie à l’enfant pourrait bien être une solution. « On est dans l’agir perpétuel, cela créé une angoisse, ajoute Aicha Nora Dembri. L’enfant n’est jamais seul avec lui-même. Il doit pouvoir dire »Laissez-moi vivre mon expérience ». Il est urgent de modifier cela, car à la fin, la société nous rattrape et le temps est impitoyable. »