Cimetière à Carignan : l’énigme de Bunker Hill

Des pierres tombales datant de 200 ans sont alignées le long du canal de Chambly sur un terrain privé non aménagé à Carignan. Mais que faire de cet héritage?

C’est une parcelle de terre très discrète. Pour y parvenir, il faut marcher cinq minutes à partir du chemin Sainte-Thérèse en traversant des terrains privés pour déboucher au bord du canal. Là, quelques pierres tombales se dressent, marquées par le temps et la nature qui reprend ses droits. L’une des principales stèles indique le nom de Moses Bunker, décédé en 1856. Les autres indiquent plus ou moins la même époque.

» C’est un terrain privé qui a été racheté en octobre lors d’une vente pour non-paiement de taxes. » – Ville de Carignan

» C’est le cimetière de Bunker Hill, indique Gary Darveau, citoyen du secteur préoccupé par le sort de ces tombes. Je veux savoir si Parcs Canada a déjà donné un statut patrimonial à ce site, déjà dans un état de dégradation lamentable. Tellement que cette année, à cause de la croissance des végétaux tout autour des monuments funéraires qui s’y trouvent, ce site, habituellement visible à partir de la piste cyclable le long de la bande du canal, est complètement caché. »

Parcs Canada, dont le mandat est en partie de protéger et de mettre en valeur des exemples représentatifs du patrimoine naturel et culturel du Canada, rejette la responsabilité de ce lopin de terre d’environ 300 m2. » Bien qu’enclavé sur le terrain du lieu historique national du Canal-de-Chambly, le cimetière de Bunker Hill n’est pas administré par l’Agence Parcs Canada. » De son côté, la Ville de Carignan assure ne pas avoir le pouvoir d’agir. » C’est un terrain privé qui a été racheté en octobre lors d’une vente pour non-paiement de taxes. Actuellement, ce terrain est codifié par les évaluateurs agréés comme un espace de terrain non aménagé et non exploité. »

Pas reconnu comme cimetière

L’avenir de ces pierres tombales est d’autant plus sombre puisque l’appellation » cimetière » est erronée, selon la Ville de Carignan. » La loi sur les cimetières non catholiques stipule que, pour se faire appeler cimetière, tout endroit doit être approuvé par le ministère de la Santé et des Services sociaux. Or, nous n’avons aucun cimetière sur notre territoire. »

Pourtant, l’endroit pourrait révéler des secrets historiques du site durant la colonisation. Auteur de l’ouvrage Le fort Sainte-Thérèse et la Nouvelle-France, l’historien Réal Fortin assure que ce terrain pourrait avoir une haute valeur patrimoniale. » Ce cimetière mérite d’être protégé, d’autant plus qu’il n’était pas le seul cimetière protestant aménagé sur une terre familiale à l’époque. Il semble qu’il soit le seul qui n’ait pas été détruit. Il a bien failli disparaître lors de l’aménagement du canal, qui devait être creusé très près de là. On a même dû démolir un bâtiment de M. Bunker à cette occasion. »

Personnalités historiques

Le médecin et patriote Timothée Kimber, beau-fils de René Boileau, décédé en 1852, pourrait être enterré là. » Nous avons cette mention dans les archives, reconnaît l’historien Paul-Henri Hudon. Il était parti faire ses études de médecine en France et était revenu au Canada avec des idées un peu révolutionnaires. Il était mort veuf et libre penseur. »

Est-il possible de réhabiliter cet endroit qui n’a aucun accès public? » Les anciens propriétaires voulaient en faire une donation à Carignan, mais la Ville n’a jamais embarqué, assure Luc Adam, agent immobilier chargé du périmètre. Il est possible qu’une maison individuelle soit construite sur le terrain voisin lorsque celui-ci sera vendu. » La Ville de Carignan réfute toute approche récente. » Le conseil municipal actuel n’a jamais reçu une telle proposition. »

La question sur l’avenir de ces pierres tombales se pose désormais : investir sur un terrain enclavé ou tourner la page?