D’éducatrice à tatoueuse, elle quitte la fonction publique

Des travailleurs de la fonction publique, en santé ou en éducation, quittent le navire vers une nouvelle vie professionnelle. C’est le cas de la Césairoise Morgane, qui est passée d’éducatrice à tatoueuse.

Elle a œuvré près de vingt ans à titre d’éducatrice en petite enfance. C’est désormais volontairement une historie du passé. « En vingt ans, le milieu a changé », établit d’entrée de jeu l’ancienne éducatrice. Elle souligne avoir voué une passion profonde aux enfants. « Je l’ai encore, d’ailleurs », rappelle-t-elle.

Elle pointe toutefois que la pédagogie est une « mode changeante imposée ». Elle fait ici référence aux exigences gouvernementales qui peuvent fluctuer selon la volonté du Ministère en place. « Les exigences ont beaucoup augmenté envers les éducatrices », décrit-elle. La citoyenne de Saint-Césaire cible notamment l’intégration des enfants à besoins particuliers comme étant l’un des plus grands défis que vivent les éducatrices sur le terrain. 

Peu de valorisation

Morgane ne passe pas par quatre chemins quand elle parle de ses années comme éducatrice. « On a peu de valorisation. On a peu de reconnaissance. On se fait reprocher la petite chose que l’on fait de pas correcte, mais toutes les interventions positives que tu as faites ne sont juste pas nommées », identifie-t-elle. 

Depuis « longtemps », la réflexion de quitter ce milieu germait en elle. « Pour ma part, ça s’est fait en crescendo au fil du temps. Ça a mijoté longuement dans ma tête », convient Morgane. Au bout du compte, elle dit s’être rendue à l’épuisement.

De fil en aiguille

Depuis un an, Morgane a déserté les centres de petite enfance. En avril dernier, elle s’est mise au tatouage. Elle-même tatouée de ce qu’elle qualifie de marques émotionnelles forgeant son passé, elle a rencontré un tatoueur débutant. Curieuse, elle a recueilli de l’information auprès de lui. « Je n’allais pas très bien. Je me suis dit que ça me tentait d’essayer. Je me suis dit que je n’avais rien à perdre », souligne Morgane.

Partant « presque » de zéro, elle s’est nourrie de capsules à ce sujet sur le Web. Environ 1 500 $ plus tard, Morgane était équipée pour graver à vie de son encre pigmentée l’épiderme de ses clients, majoritairement de la gent féminine.

Le travail ne tarit pas pour Morgane depuis ce virage. « La demande est énorme et les tatoueurs sont bookés. Ils peuvent donc choisir leurs projets et leurs clients », met en contexte la tatoueuse

Erreurs possibles

« Le Web ne suffit pas. Ça s’apprend surtout par essai-erreur », affirme Morgane. Toutefois, une erreur en tatouage, ça laisse des traces. « J’ai fait des erreurs. C’est pratiquement toujours réparable. Même les tatoueurs expérimentés en font, des erreurs », remarque l’artiste. 

À travers son apprentissage en continu, Morgane s’utilise aussi comme cobaye d’expérimentation. 

Renoncer aux bénéfices

En quittant le milieu de la petite enfance, Morgane renonçait ainsi à ses bénéfices marginaux acquis. Sept semaines de vacances payées par année, fonds de pension et des journées de maladie en font partie. « Il fallait que je sois détruite », résume-t-elle en quelques mots pour justifier son départ.

En ces négociations houleuses entre les travailleurs de la fonction publique et le gouvernement du Québec, Morgane conclut ainsi : « Ce qui me gratifie le plus, c’est que je donne du bonheur. Mes clientes me le redonnent fois mille. Je reçois beaucoup de reconnaissance, chose que je n’ai jamais eue. »