Des commerçants inquiets concernant le magasinage des Fêtes

Dans un contexte de diminution du pouvoir d’achat de plusieurs consommateurs et de concurrence des grosses multinationales, les commerces locaux s’expriment sur ce qu’ils envisagent pour la période du magasinage des Fêtes 2023. 

Selon de nouvelles données de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), 65 % des petits commerçants locaux entrevoient une diminution de leurs ventes au profit de grandes multinationales et de géants du commerce en ligne à l’occasion du magasinage des Fêtes cette année, notamment en raison d’évènements de promotions comme le Vendredi fou et le Cyberlundi.

Dans un contexte économique diminuant le pouvoir d’achat de plusieurs consommateurs, nous avons questionné des commerçants locaux au sujet de leurs attentes et inquiétudes concernant la période d’achats des Fêtes de cette année.

Appréhensions partagées

« On garde les doigts croisés! », reconnaît Nancy Lacelle, propriétaire de la boutique Décor Lacelle, située dans la Place Chambly. Elle admet ne pas s’attendre à un très grand achalandage, notamment en raison de la nature du centre commercial, qu’elle qualifie de « destination ». La clientèle est surtout composée de personnes avec un besoin précis en tête, limitant ainsi les visites de « lèche-vitrine », remarque-t-elle.

Chez le commerce voisin, la propriétaire de la Bijouterie Robert Auclair nous fait part d’une inquiétude semblable. « C’est déjà plus tranquille, le mois de novembre, comparativement aux années passées », souligne Caroline Parent. Elle remarque que le contexte social actuel y est peut-être pour quelque chose : « Avec la grève [du Front commun], les gens sont moins dans [l’ambiance des Fêtes]. Moi, je crains un peu que si ça ne se règle pas vite, on en paie les conséquences, nous, les commerçants. »

Nathalie Richard, propriétaire du commerce Fleuriste Déco Lily Rose, à Richelieu, témoigne des inquiétudes qui se ressentent de manière plus prononcée cette année au sein de la communauté de petits commerçants de la région. « Ça paraît beaucoup [dans l’économie locale], la venue de grosses multinationales dans nos milieux », soutient-elle.

Elle poursuit en faisant la remarque que les moyens publicitaires des grosses chaînes sont plus grands et qu’ils affectent les activités des commerces indépendants : « Ce sont des choses que nous, les petits commerçants, on ne peut pas se permettre. » La capacité d’offrir le service d’achat en ligne avec des livraisons gratuites sur un grand territoire est aussi un facteur de concurrence, selon elle. « Tous les achats en ligne, ça tue les petits commerçants locaux », conclut Mme Richard.    

Avantages 

Une lueur d’optimisme ressort toutefois de nos conversations avec chacune des femmes entrepreneures interrogées : la valeur ajoutée indéniable des petits commerces locaux par rapport à leur service à la clientèle. « Les gens sont reconnaissants d’avoir de beaux magasins dans leur environnement. Ça développe une certaine fidélité », explique Mme Lacelle. « Ça fait 55 ans que l’on est ici. [La loyauté], c’est ça qui fait la longévité d’un commerce local. » Elle admet que cette proximité avec le milieu est l’un des avantages d’être un commerce indépendant. « Ça nous permet d’offrir un service plus personnalisé », ajoute la propriétaire de Décor Lacelle.

La qualité de l’expérience en personne est aussi relevée par Mme Parent : « Surtout en bijouterie, les gens vont accorder de l’importance à voir les produits [en personne]. » Elle remarque qu’il s’agit d’une bonne occasion pour solidifier sa relation avec les clients en offrant une assistance dans leurs achats.

Développer un réflexe

La FCEI nous rappelle que pour un dollar dépensé dans un commerce local, 0,66 $ restent dans la collectivité, comparativement à 0,11 $ s’il est dépensé dans une multinationale. « C’est le moment de se conscientiser.

Faire des choix de consommation dans le local, ça te donne l’occasion d’avoir [du pouvoir sur] l’économie de ta communauté », remarque Mme Lacelle.

Elle poursuit en soutenant qu’il ne faut pas laisser « les gros écras[er] les plus petits ».  Selon l’entrepreneure, il faut réaliser qu’investir dans les petits commerces locaux, c’est aussi encourager l’indépendance des consommateurs en évitant de donner le monopole économique à de grosses chaînes qui n’ont pas à cœur l’épanouissement du milieu.

L’achat local, c’est aussi soutenir les passions et les projets des entreprises qui rendent le milieu dynamique, défend Mme Richard. « Nous, c’est notre passion, on le fait avec cœur. Si l’on faisait ça pour l’argent, on ne serait pas là. Les gens doivent avoir ça en tête quand ils viennent acheter dans le commerce. »

Mme Richard mentionne aussi l’importance de développer le réflexe de consommer chez des commerces d’ici : « C’est la survie des petites entreprises qui est en jeu. C’est bien évident. Moi, je vais [avoir le réflexe] d’aller chez [un traiteur] local plutôt qu’une grosse chaîne d’épicerie si j’ai à organiser un évènement, par exemple. »

Dans le même ordre d’idées, Mme Lacelle soutient qu’il s’agit de petits efforts qui font une grosse différence.

« Il faut prendre le temps de venir nous voir. Des fois, les gens n’y pensent pas. Tu [optes] pour la solution facile. »