Une manifestation sans méfaits ni perturbations
Manifester et revendiquer, tout en gardant le cap vers la pérennité de l’ordre, c’est notamment la mission dont se dotent les coordonnatrices du Syndicat de Champlain.
« On a la demande de nos membres que ce soit quelque chose de positif. Jamais de méfaits ni de perturbations », indiquent Geneviève Bourbeau et Sandra Boudreau, toutes deux coordonnatrices au Syndicat de Champlain. « On se ramasse après. On laisse l’endroit comme il était quand on est arrivés », ajoutent-elles.
« Notre job, c’est de crinquer et d’unir les gens. » – Geneviève Bourbeau et Sandra Boudreau
Aidées de deux délégués par établissement, un en soutien, l’autre en enseignement, ce sont elles qui ont la tâche de mobiliser les membres. Le 12 décembre dernier, les deux femmes ont chiffré à plus de 2 000 les travailleurs du milieu de l’éducation qui se sont massés devant le bureau du député de Chambly, Jean-François Roberge. « Ce que l’on fait dans ce temps-là, c’est que l’on travaille sur une idée originale de base », explique Mme Boudreau. L’initiative, visant à « tisser les troupes », est ensuite transmise aux membres. En cette journée froide, elles ont misé sur une thématique permettant de faire bouger les manifestants. Un « zumbathon pour l’éducation » collectif a donc été exécuté aux abords de l’avenue Bourgogne. « On a bougé pour montrer que l’on a encore de l’énergie pour se battre pour les enfants », affirme Sandra Boudreau. « En même temps, ça motive nos troupes. Ça nous redonne de l’énergie », complémente Mme Bourbeau. Elles résument que « notre job, c’est de crinquer et d’unir les gens ».
Pression d’organisation
Les deux coordonnatrices confient qu’une organisation d’une telle ampleur vient avec une pression. « Nous autres, on ne dort pas. On ne rêve pas à la job », disent-elles à l’unisson avec sarcasme. L’une d’elles déclare même en avoir oublié l’anniversaire de son garçon. « Je n’ai même pas eu l’ombre d’une pensée pour lui », admet-elle, submergée.
À la fin de l’événement, un bilan sera nécessaire afin d’effectuer un retour. « On prend en note la critique, on s’en reparle et on essaie de s’ajuster après », avance Mme Bourbeau. L’un des défis de haut niveau réside en la présence de nourriture sur place. « Le conflit peut se régler à tous moments. En 24 heures, on peut être obligées de canceller tout le monde. On est sur le qui-vive constamment », mentionne Mme Boudreau. Elle précise devoir être disponible « le soir, les fins de semaine, 24 heures sur 24 ».
Cowboys fringants en éducation
L’un des classiques des rassemblements de revendications au Québec, c’est d’entendre la chanson La manifestation, des Cowboys fringants. Le Syndicat a trouvé une façon propre à lui d’intégrer le groupe, dont le décès du chanteur, Karl Tremblay, a créé une onde de choc dans la province récemment. Yanick Arsenault, enseignant, et Pierre Bouchard, technicien en service de garde à la retraite, ont uni leurs efforts en déposant des paroles sur mesure sur une mélodie du célèbre groupe. Faisant référence au ministre de l’Éducation, la chanson des Cowboys Le shack à Hector est devenue, en ces négociations, Le shack à Bernard (Drainville).
Sans salaire à Noël
Craint-on de voir s’effriter le capital de sympathie d’une population si les moyens de pression devaient s’étirer? « Je ne pense pas. Ça touche tout le monde, en santé et en éducation », estime Mme Boudreau. Elle nuance toutefois que c’est en matière de mobilisation que le ralentissement pourrait se faire sentir. « À Noël, nos gens n’ont pas de salaire, pas de paye. Ça rentre dans le moral. Ce que l’on voit beaucoup, c’est de l’anxiété », remarque la coordonnatrice.
Un enseignant en musique grandbasilois, monoparental avec deux enfants à sa charge, s’exprime sur le sujet. « Le gouvernement semble viser l’épuisement. Peu importe comment tu as planifié, l’idée de ne plus avoir d’entrées d’argent, c’est très difficile » admet-il, sans fonds de grève. Un peu plus loin, une éducatrice spécialisée, de Saint-Césaire, et une technicienne en service de garde, de Sainte-Angèle-de-Monnoir, prennent parole à leur tour. « On dit à nos familles que ce sera un petit Noël. Il y en a pour qui cela n’a pas été possible d’en mettre de côté », rapportent-elles. Malgré ce contexte économique précaire, elles soutiennent qu’elles « n’accepteront pas n’importe quoi » en guise d’offre. Sur place, parmi les gens questionnés, l’espoir d’une entente en 2023 est devenue mince.