Rencontre avec un professeur de français du secondaire : un système scolaire à revoir
Stéphane Bergevin, enseignant de français à l’école secondaire de Chambly, qualifie l’actualisation du programme de formation en français, notamment écrite dans le Plan d’action pour la langue française visant à freiner et à inverser le déclin de la langue française, de « méchant défi ».
L’enseignant compte 31 ans d’expérience à ce titre. Il a fait partie d’un petit groupe d’enseignants et de conseillers pédagogiques ayant révisé, questionné et conseillé les auteurs de la mouture antérieure du programme de français pour que celui-ci soit « le plus terrain » possible.
Stéphane Bergevin invite avant tout à une réflexion et à une analyse collective du contexte social dans lequel grandissent les élèves. « Pour moi, c’est un problème de société, de vision », identifie-t-il d’emblée. Il dépeint des jeunes « hyperconnectés, anxieux, à faible capacité d’attention, socialement isolés, incapables de s’exprimer entre eux ».
C’est dans ce cadre qu’il doit Améliorer la maîtrise du français des élèves et des étudiants québécois, comme le met de l’avant l’un des axes du Plan d’action. Stéphane Bergevin nomme la pression sur les épaules des enseignants de français.
La pression vient « d’en haut » et de parents qui inondent plus que jamais la boîte courriel. Il remarque pourtant que les enseignants d’aujourd’hui sont « plus compétents » que lorsqu’il a débuté sa carrière. « Ils sont plus conscients des jeunes et des techniques d’apprentissage, plus impliqués, plus de formations en continu. La qualité est incomparable avec ce qu’il y avait. On fait déjà notre maximum, mais ce n’est jamais assez », explique-t-il. À travers ses trois décennies dans le milieu scolaire, M. Bergevin s’est dit toujours ouvert à varier et à adapter ses approches en fonction de ses élèves.
Difficulté en français
M. Bergevin mentionne que le programme actuel s’appuie davantage sur les savoirs essentiels et délaisse la progression des apprentissages. « Tout, tout de suite, avec le moindre effort, souvent après quelques clics. Les jeunes apprennent maintenant comme ça : en cliquant par essais-erreurs, sans réfléchir au processus d’apprentissage », dénote-t-il.
» Dans les écoles, il y a beaucoup de professeurs et d’élèves en détresse. » – Stéphane Bergevin
Il constate la faiblesse des élèves en français ainsi que le déclin de la langue depuis plusieurs années.
« Tout ça, ça commence en bas. On n’a pas de rigueur ni de redoublement. On nivèle par le bas. Les exigences sont moindres et on les fait passer. Ça ne marche pas, le système », expose-t-il. Dans sa classe, il soulève un nombre important d’élèves ayant des difficultés d’apprentissage, d’adaptation et de comportement.
« Dans les écoles, il y a beaucoup de professeurs et d’élèves en détresse », affirme l’homme, témoin du quotidien d’humains « dépassés » dans le milieu scolaire. « C’est ce que l’on vit sur le terrain. Il faut le nommer, c’est la société de demain. Ce sont nos jeunes! », éveille l’enseignant.
Des mesures à appliquer
Dans le Plan d’action pour protéger le français, déposé par Jean-François Roberge et son équipe, des mesures touchent directement Stéphane Bergevin. Sensibiliser les élèves québécois à la lecture en fait partie.
« On le fait, ça! Une immense place est faite pour ça dans les écoles », affirme M. Bergevin. Il a le même son de cloche en ce qui a trait à la mesure visant à soutenir l’accès aux livres québécois dans les établissements. « Ils n’ont jamais eu autant accès à plein de beaux romans en littérature jeunesse. C’est difficile d’entendre les critiques alors que l’on en fait beaucoup. »
En juin dernier, Bernard Drainville a annoncé six orientations pour renforcer le français à l’école, dont la mention de faire écrire plus souvent les élèves. « On est tous d’accord! Mais pensez-vous que l’on ne les fait pas écrire, présentement? », questionne M. Bergevin. Il revient également sur les autres mesures du ministre et sur la façon dont il les applique déjà dans sa réalité. « Ça paraît bien dans les médias, de dire ce qu’il faut faire. Ben oui, mais sur le terrain, on le fait », rappelle-t-il.
Il reste quatre années à Stéphane Bergevin avant la retraite. « Je ne veux pas finir aigri comme j’en ai vu plusieurs à mes débuts. Je veux continuer à être passionné et à aimer ce que je fais, dans un milieu au quotidien difficile », avance l’enseignant, qui se concentre sur le positif tout en rappelant l’importance de prendre soin de sa santé mentale. Il soutient avoir à coeur la langue française et souhaite en transmettre l’héritage.
Un agrandissement actualisé
En septembre prochain, les élèves de quatrième secondaire intégreront l’école secondaire de Chambly. Les cinquième secondaire suivront en septembre 2025. « Les élèves seront choyés d’avoir une école qui répond aux besoins d’actualisation de l’enseignement adapté à eux », considère M. Bergevin quant à l’agrandissement de l’école.