Un public à reconquérir en matière d’art visuel

L’art visuel vit-il une tendance à la baisse dans le cœur de la population, qui n’investirait plus dans ce champ comme elle le faisait auparavant?

« Il y a définitivement un désengagement, un désintérêt du public pour les arts visuels », affirme la peintre chamblyenne Micheline Caillé, qui a 55 ans de vie artistique derrière la cravate. Pionnière en art, elle a mis sur pied le Sentier des ateliers et le symposium Artistes sur le champ. L’initiative est plus tard devenue la Route des Arts. 

Auparavant, Micheline Caillé chiffre qu’elle vendait le tiers de plus de ce qu’elle pouvait produire en une année. Lors d’années fructueuses, elle vendait approximativement une quarantaine d’œuvres. « Les gens achètent plus de l’art jetable, maintenant », constate-t-elle.

Clea Reynolds, de la Galerie de Miss Rey à Chambly, note une baisse de vente d’œuvres depuis 2022. Elle cible une diminution de revenus oscillant entre 10 et 15 %. Les œuvres plus volumineuses sont plus difficiles à vendre. « Les gens ont moins d’argent dans les poches. Aussi, les goûts changent », remarque-t-elle. Elle parle aussi de consommateurs qui achètent plutôt des reproductions dans les magasins à grande surface. En matière d’achat, Mme Reynolds rappelle qu’il est possible de prendre une entente de paiement quand on se procure une œuvre, comme on le ferait pour un électroménager. 

Marc Hébert est un peintre qui a exposé à la Galerie de Miss Rey. « C’est maintenant davantage des collectionneurs et parfois des coups de cœur de monsieur et madame Tout-le-Monde qui achètent. C’est important de trouver la direction qui saura aller les chercher. Les gens sont prêts à mettre une fortune pour les tatouages, les voyages dans le Sud, en Europe, en Asie, etc. Ils changent de cellulaire chaque année, se promènent dans de beaux véhicules, etc. » met-il en perspective. Il considère qu’il s’agit de » priorités » chez la clientèle. « C’est aux artistes de travailler plus fort pour se démarquer afin de se garder ou de se tailler une place », considère-t-il. 

Se sentir impuissante

Micheline Caillé s’est toujours donné comme mission de faire la promotion des artistes. « Là, je me sens impuissante », confie l’académicienne-conseil de l’Académie internationale des Beaux-Arts du Québec. Elle souligne que le nombre élevé de symposiums au Québec nuit à la vente d’œuvres. « Des gens en visitent trois par fin de semaine sans acheter. Il y a trop d’abondance », relate la femme de 75 ans.

Investissement

« C’est un investissement, acheter des tableaux. Les gens l’oublient », rappelle Mme Caillé. Clea Reynolds mentionne qu’auparavant, les acheteurs d’œuvres avaient ce réflexe de voir la démarche comme un projet financier à long terme. « Quand on achète une œuvre d’art, c’est pour faire un investissement à long terme. C’est devenu rare que les acheteurs voient ça ainsi », dit-elle.

Micheline Caillé ouvrira les portes de son atelier avec la Route des Arts de la Vallée-du-Richelieu (RAR) les 7 et 8 septembre prochains. Il y aura également un vernissage le 5 septembre, au Pôle culturel de Chambly, pour les participants de la RAR.