Chambly : Ce qu’il s’est passé durant la Première Guerre mondiale
Le 11 novembre prochain, le Canada commémorera l’armistice de la Première Guerre mondiale. Retour sur un épisode historique qui a divisé la société chamblyenne.
La Première Guerre mondiale a pris fin il y a 106 ans. Le conflit a généré neuf millions de morts et la signature de l’armistice est commémorée chaque 11 novembre. Au Québec, les raisons du conflit ont divisé la société, plus particulièrement à Chambly, où des tensions ont été vécues entre francophones et anglophones. « Les deux camps étaient clairement opposés sur le fait d’aider le Royaume-Uni, souligne Mourad Djebabla, historien militaire spécialiste de la Première Guerre mondiale et rattaché au Collège militaire royal de Saint-Jean. Néanmoins, 70 Chamblyens ont été volontaires pour aller au front et ont composé le 22e bataillon. Au total, une centaine de Chamblyens est partie se battre. »
Mais l’époque a été marquée par la conscription vers la fin de la guerre. Le gouvernement fédéral a enrôlé de force des combattants, malgré les protestations de la majorité des francophones au Québec, ce qui était le cas à Chambly. « La particularité est que Joseph Hormisdas Rainville, député conservateur de Chambly -Verchères, était l’un des rares francophones à être favorables à l’effort de guerre, poursuit l’historien. En 1913, le Québec était touché par une crise économique et l’ouverture d’usines de fabrication d’armes a généré de l’emploi. Il était aussi favorable à la conscription de la population de Chambly. Les électeurs lui en tiendront rigueur lors des élections fédérales suivantes de 1917, lors desquelles il sera battu. »
Effort de guerre
Après la guerre, un canon allemand a siégé devant la mairie de Chambly durant quelque temps. Une exposition que justifie Mourad Djebabla. « Le gouvernement fédéral a distribué des trophées de guerre, la plupart du temps venus de la bataille de la crête de Vimy. Ce sont des premiers éléments commémoratifs et une manière aussi de souligner l’effort de guerre réalisé par Chambly. »
La bataille de la crête de Vimy est un paradoxe, selon le spécialiste. « Certains disent qu’elle a permis au Canada d’avoir son indépendance, mais c’est un mythe, souligne-t-il. Il est vrai que c’est une victoire canadienne dans ce conflit, mais c’est une victoire comme une autre. Elle a juste montré que le Canada, uni, pouvait triompher. C’est donc une victoire fondatrice pour le pays. Cependant, le Canada a vécu beaucoup de pertes durant cette bataille et cela a amené à la conscription. »
Un monument aux morts a été dressé au parc des Vétérans, le long de l’avenue de Bourgogne en 2016, soit près d’un siècle plus tard. Il sert de point de recueillement pour les commémorations. D’autres stèles existent, mais elles avaient été aussi construites bien après la Grande Guerre. « L’absence de monument aux morts de la Première Guerre mondiale peut s’expliquer par le fait que la population n’a pas fait consensus pour en dresser un à l’époque, souligne l’historien. C’est surtout la communauté anglophone, basée à Westmount ou encore à Notre-Dame-de-Grâce, qui a commémoré la guerre dans les années 20. La population de Chambly voulait plutôt tourner la page des querelles et un monument aux morts aurait été une manière de raviver les tensions. D’ailleurs, les francophones ne participaient pas aux commémorations dans les années 20-30. »
L’Histoire corrigée
Certains aspects de cette époque ont été rapidement occultés, affirme Mourad Djebabla. « Le gouvernement fédéral a censuré les passages concernant les partisans contre l’effort de guerre pour mettre en valeur le devoir de mémoire de tous les soldats canadiens en 1920. La Première Guerre mondiale a amené beaucoup de questions politiques revenues à la surface dans les années 60 durant la Révolution tranquille. Le Québec voulait se séparer de l’histoire militaire du Canada. Aujourd’hui, l’histoire reprend le pas sur la mémoire et on a corrigé la vision du fédéral. Des études sont publiées, depuis les années 90, montrant le rôle des Canadiens français durant le conflit. D’ailleurs, 75 000 d’entre eux ont perdu la vie sur la ligne de front. »