Vallée-du-Richelieu : Les intervenants jeunesse dans un milieu compliqué

Après le scandale sexuel au centre de jeunesse de la Cité-des-Prairies, le doigt est pointé sur le système de la DPJ. Sandra Bolduc, directrice de Posa/Source des Monts à Chambly, revient sur la complexité de la mission des intervenants auprès des jeunes en difficulté.

Le scandale sexuel du centre de jeunesse de la Cité-des-Prairies, sur l’Île de Montréal, a débouché sur la suspension ou le congédiement d’au moins neuf éducatrices et deux gestionnaires. Certaines ont été accusées de « proximité sexuelle », voire plus grave, sur des mineurs fréquentant le centre.

« Pour éviter qu’un jeune tombe dans le crime organisé, nous devons garder un bon contact avec lui pour qu’il soit à l’écoute et en confiance avec nous. » – Sandra Bolduc

« Dans ce type de centre, ce sont souvent de jeunes intervenants, à peine plus âgés que les adolescents les fréquentant, et sans expérience solide, analyse Sandra Bolduc, directrice générale de Posa/Source des Monts, maison de jeunes à Chambly. Ces adolescents sont d’abord charmeurs, car ils veulent attirer de la compassion. C’est leur première défense face à un adulte. Forcément, ils peuvent être pris en pitié par des jeunes femmes qui ne gèrent pas bien la relation. »

Faire les bons choix

Ce portrait de centre de jeunesse n’est pas rare, selon la directrice générale. « Ces jeunes intervenants doivent se faire accompagner. Le système n’est pas brisé, mais il faut apporter ces améliorations. Il est possible de rassurer un jeune autrement qu’avec un moyen physique inapproprié. Imaginez un instant que ce soit des hommes qui auraient agressé des filles mineures, la bombe aurait été encore plus forte! Alors que la situation est tout aussi inacceptable et doit être traitée comme telle. »

L’ampleur de la tâche des intervenants auprès des jeunes a été mise au bout du jour lorsque Lionel Carmant, ministre des Services sociaux, a affirmé « craindre que le crime organisé soit impliqué » dans ce scandale sexuel. « Ce ne sont pas des déclarations qui me surprennent, poursuit Sandra Bolduc. Il existe bien du crime organisé à Sept-Îles, imaginez donc à Chambly. Il est partout! Même dans la rue, aucun jeune n’est à l’abri. Il faut qu’il se rende compte qu’il a fait confiance aux mauvaises personnes. »

Si bien que la mission des intervenants se complique encore davantage puisque leur public comprend des adolescents sans réelle attache familiale, bien souvent. « Ils sont souvent sans repères et ne veulent pas faire confiance à un adulte. Pour éviter qu’un jeune tombe dans le crime organisé, nous devons garder un bon contact avec lui pour qu’il soit à l’écoute et en confiance avec nous. Si un jeune fait entrer un joint de marijuana dans un centre de jeunesse, sous structure gouvernementale, l’intervenant doit appeler la police. Comment voulez-vous que ce jeune fasse confiance à son responsable dans ces conditions? À Posa/Source des Monts, cette situation est déjà arrivée. Comme nous respectons la loi, il est interdit de faire entrer de la drogue chez nous et le jeune doit sortir immédiatement. Mais je ne suis pas la police. Dans notre travail, il existe une zone grise qui nous permet de gagner la confiance du jeune et de pouvoir l’aider. Mais cela demande du temps. »

Question de temps

À Chambly, le centre de jeunesse est le lieu de rencontre avec les intervenants. « Nos travailleurs de rue vont à leur rencontre, poursuit Sandra Bolduc. Contrairement aux centres de jeunesse gouvernementaux, c’est à nous d’aller vers eux. Gagner leur confiance demande du temps. Il est déjà arrivé que je salue une cinquantaine de fois un jeune avant qu’il me réponde. Ce sont encore des enfants. Est-il possible de les aimer et de les accompagner? Il faut qu’ils connaissent la bienveillance. Notre rôle est de leur apporter quelque chose qu’ils n’ont jamais eu. Parfois, des anciens pensionnaires de notre organisme nous contactent encore. Ce sont toutes de petites victoires quotidiennes. »