Saint-Césaire : un restaurant où les agriculteurs latinos retrouvent leur culture

El Rancho Latino est un restaurant qui propose les codes de toute une communauté. Mais le lieu offre bien plus que des repas.

Gilda Valiente connaît la réalité de la majorité des agriculteurs latinos dans les fermes aux alentours de Marieville. D’origine guatémaltèque, la propriétaire du El Rancho Latino a démarré de zéro avant d’ouvrir son restaurant. « À la base, j’étais infirmière, mais je me suis blessée et je ne pouvais plus pratiquer. Je me suis donc mise à cuisiner, habitude que j’ai depuis mon enfance. J’ai commencé à préparer et à livrer des repas dans les fermes des environs. Cela a duré trois ans. »

« Je compte douze employés que je considère comme ma famille. » – Gilda Valiente

Son petit commerce grandit au fur et à mesure, au point de pouvoir s’installer dans ce bâtiment au 2054, de la route 112 à Saint-Césaire. « Avant, il était vide, sourit-elle. Je passais devant pendant des années en pensant qu’un jour, j’occuperais ces lieux. Et c’est arrivé il y a sept ans. Je n’ai eu l’aide de personne. »

Pendant toutes ces années, Gilda Valiente s’est construit une vie qu’elle a pu aménager selon son caractère.

« J’ai rencontré mon mari, Antonio, dans une ferme. Cela fait cinq ans qu’il s’est joint à l’entreprise. Je compte douze employés que je considère comme ma famille. Jamais je n’ai grondé un membre de l’équipe. Lorsqu’on a fait une grosse journée, je divise les recettes à parts égales entre tout le monde. On partage, c’est normal. Et puis, vous savez, Dieu nous voit. »

Du courage

Mais tout n’a pas été facile pour la nouvelle femme d’affaires. Plus particulièrement durant la COVID. « Des dizaines d’agriculteurs ne pouvaient pas sortir des fermes pendant des mois, il fallait bien les nourrir! J’ai préparé 398 repas tous les jours pendant 19 mois! Je n’ai pas arrêté de travailler, j’en pleurais. J’ai livré à des fermes et à des hôtels. Aujourd’hui, mes clients me montrent leur fidélité et lorsque je cuisine, je considère que je cuisine pour ma famille. Je récolte le fruit de tous mes efforts. »

Son commerce est ouvert toute l’année, mais Gilda Valiente prend une courte pause durant les Fêtes. « On ferme le 24 décembre à 18 h pour rouvrir le mercredi de la deuxième semaine de janvier. Et nous sommes rapidement bien occupés, car les agriculteurs des serres sont déjà là. On compte 80 factures les mercredis. Nous avons un sommet lors de la période des pommes, les jeudis, où l’on peut atteindre 350 factures et en moyenne, nous tournons entre 700 et 800 factures par semaine. »

Pour connaître un tel succès, la propriétaire estime que son commerce est bien plus qu’un simple restaurant.

« Le seul moment où les agriculteurs se sentent chez eux, c’est lorsque je leur prépare leurs repas. Ils ont tous quitté leur famille pour des mois, voire des années, afin de travailler ici. Ils m’ont déjà dit que leur condition aurait été différente si je n’avais pas été là. J’ai adapté ma carte avec des repas traditionnels mexicains, comme le pozole ou encore le mole. Ici, ils peuvent parler avec leurs collègues des autres fermes. En fin de semaine, nous comptons davantage de Québécois qui veulent s’évader. »

D’autres services

El Rancho Latino s’est adapté à la réalité des agriculteurs en proposant aussi d’autres services. « Ils m’ont demandé un terminal bancaire pour envoyer de l’argent à leurs familles en Amérique latine, raconte-t-elle. Aujourd’hui, la banque qui s’en occupe m’a dit que j’étais l’un des plus gros postes de la région. On a aussi une épicerie, où l’on peut trouver uniquement des produits de base de la cuisine latina avec des pois, des tortillas et de la sauce piquante. »

En guise de décor, la Catrina, personnage populaire au Mexique, est peinte sur un mur, tandis que la Vierge Marie trône à quelques mètres. « Elle ne m’a jamais quittée. Notre parcours dans les fermes et au restaurant a beaucoup influencé notre manière de voir les choses, confesse Gila Valiente. Si vous saviez le nombre d’agriculteurs vivant en Amérique latine qui me sollicitent pour avoir l’occasion de travailler au Canada, je ne peux répondre à tous. Le froid de l’hiver peut être très difficile pour eux la première fois, mais lorsqu’ils se rendent compte à quel point ils peuvent aider leurs familles financièrement, il n’y a plus d’hiver difficile. »