Chambly : l’importance de prendre le temps de créer

Jusqu’au 1er décembre, l’exposition La dérive, de l’artiste Chloé Beaulac, est présentée au Pôle culturel de Chambly.

Dans cette exposition, l’artiste puise dans ses souvenirs et des photos pour offrir une vision intime du Québec rural, explorant la transformation de la mémoire. Elle transporte le public dans une aventure imprévue le long des rives et des routes du littoral, dans des lieux disparus. Parmi ces endroits, elle énumère l’Auberge du Coin du Banc ou l’hôtel le Vibert, en Gaspésie. « Ce sont tous des lieux où j’ai demeuré et envers lesquels j’ai un attachement particulier », raconte au journal Mme Beaulac.

Puisant dans ses souvenirs et une documentation photographique de ce voyage autour de la province, elle relaye une vision personnelle d’une relation et d’un territoire en transformation. Située à la croisée de la photographie, de l’estampe, du dessin et de la peinture, cette série explore les liens sensibles et complexes de l’attachement humain aux lieux, ainsi que les projections et les réflexions qu’ils suscitent.

Un geste précis

Ces œuvres s’apparentent à un récit ouvert, universel et intemporel. Le geste précis et répétitif du pyrograveur rappelle un rituel, symbolisant l’empreinte qui marque.

Les tableaux sont des vitrines qui projettent dans des lieux semblant à la fois familiers et lointains. « Cette invitation au voyage, à errer dans cet univers, nous incite à la dérive contemplative », dépeint Chloé Beaulac. En noir et blanc, teintées de sépia et dotées d’une texture granulaire, ces images « puissantes et évocatrices » transportent entre passé et présent, « nous ramenant à la matérialité du souvenir ».

Carnet de voyage

Les œuvres, semblables à un carnet de voyage, utilisent des techniques de transfert d’image, de superposition et de pyrogravure. Chloé Beaulac brûle le papier comme se gravent les souvenirs dans la mémoire. « On est composés de ces moments qui nous gravent, qui nous forgent », remarque la créatrice.

L’aspect éphémère ressort de l’assemblage. « Tout finit par disparaître et être remplacé par autre chose », observe l’artiste. Elle considère l’importance de se souvenir du passé afin d’avancer. 

Six ans à faire

Le projet de dix tableaux s’est échelonné sur six ans. « Quand on essaie de faire les choses trop rapidement, les idées ne sortent pas naturellement. Quand on laisse le temps pour la création, ça apparaît tranquillement », estime Mme Beaulac. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’elle entame plusieurs corpus à la fois. 

La femme aux multiples talents constate que les artistes sont parfois poussés à produire. « Je pense que c’est important de prendre le temps pour réaliser l’entièreté de l’œuvre. C’est ce qui lui donne toute sa valeur. Il faut accepter que ça prenne le temps qu’il faut pour faire un chef-d’œuvre, comme les Pyramides ou la tour Eiffel. Il y a une pression à faire les choses, comme une commande. L’art, ce n’est pas une commande », affirme-t-elle.

Toucher plusieurs médiums

Dans ses pratiques, l’artiste touche à plusieurs médiums. « Je trouve que c’est important de trouver le médium parfait pour traduire un message », considère-t-elle. Dans ce cas-ci, elle utilise la pyrogravure, car elle souhaite laisser une trace profonde sur le souvenir qui, pour elle, s’égraine au fil du temps. Quand elle parle de la Terre, elle utilisera de la céramique. Pour travailler la couleur, les textures, elle optera plutôt pour la peinture.

À propos de Chloé Beaulac

Chloé Beaulac est une artiste multidisciplinaire diplômée en beaux-arts de l’Université Concordia. Spécialisée en arts imprimés, elle utilise photographie, vidéo, dessin et sculpture pour exprimer sa vision. Lauréate de plusieurs prix, dont le Prix du CALQ Artiste de l’année en 2022, elle a exposé au Québec et à l’international.