Les accusations contre Civ-Bec et ses dirigeants sont maintenues

JUSTICE. La poursuite dans le dossier du cartel de Saint-Jean-sur-Richelieu et dans la région de Carignan a évité un arrêt des procédures, après s’être liée à une décision intervenue dans le dossier de Construction Frank Catania.

Comme nous le rapportions en janvier, le cartel de Saint-Jean aurait gravité autour de l’entreprise Civ-Bec. Les parties dans cette affaire ont convenu que la décision dans l’affaire Catania s’appliquerait aussi à eux.

Les procureurs de Revenu Québec risquaient donc un arrêt des procédures si le juge Maurice Galarneau décidait que l’ensemble des vérifications administratives menées dans une série d’entreprises depuis 2006 avaient été faites dans le but ultime d’ouvrir une enquête pénale contre l’entreprise déchue de Brossard.

Or, le juge Galarneau a refusé cette vision des choses.

« À cette époque, on ne peut déduire que l’objet prédominant de la vérification est d’établir la responsabilité criminelle ou pénale des [défendeurs] », écrit-il dans une décision datée du 3 mars dernier.

Une partie de la preuve écartée

Dans sa décision, le juge a tout de même déterminé que Revenu Québec avait franchi la limite entre la vérification et l’enquête en juillet 2010. Les avocats devront maintenant débattre de la preuve à exclure à la lumière de cette décision.

Selon un des avocats de la poursuite, Me Michel Pouliot, l’issue de ces débats ne devrait pas avoir une grande incidence sur le procès intenté contre Civ-Bec et ses dirigeants.

« L’essentiel de la preuve a été recueillie avant 2010, souligne-t-il. »

Un important réseau de fausse facturation

Selon la preuve retenue par le juge Galarneau, Revenu Québec a découvert le réseau à la suite d’une série de vérifications administratives aléatoires faites dans des entreprises situées en Beauce.

Plusieurs d’entre elles ont été classées comme fournisseurs de factures de complaisance. Ces fausses factures permettaient à d’autres entreprises, dont Catania et Civ-Bec, de réclamer frauduleusement des remboursements de la taxe de vente.

Plusieurs entreprises ont ensuite fait l’objet d’enquêtes plus approfondies en vue de déclencher des poursuites pénales. Dans les dossiers de Catania et de Civ-Bec, Revenu Québec s’est même associée à la Sûreté du Québec afin de déposer des accusations criminelles contre les entreprises et leurs dirigeants, y compris Paolo Catania, Pasquale Fedele, Jacques Lavoie et d’autres.

Rappelons que plusieurs entreprises et individus ont déjà plaidé coupable à diverses infractions depuis la découverte du stratagème de fausse facturation.

Quelle est la différence entre une vérification et une enquête?

Une vérification est une simple opération administrative pour déterminer la conformité des comptes aux lois fiscales. Une entreprise et ses dirigeants sont obligés de coopérer dans le cadre d’une vérification. Une enquête peut mener à des amendes et des peines d’emprisonnement et les personnes visées ont les mêmes droits que lors d’une enquête policière, dont le droit au silence.

Les enquêteurs de Revenu Québec peuvent utiliser les conclusions d’une vérification pour entreprendre ou alimenter une enquête. Ils ne peuvent toutefois pas s’ingérer dans le processus de vérification, notamment en demandant aux vérificateurs d’aller chercher des informations.

La fausse facturation

Selon ce qui ressort de la décision du juge Galarneau, les entreprises concernées auraient mis en place un stratagème élaboré de fausse facturation. Dans ce genre de stratagème, des entreprises n’ayant aucune activité commerciale – en d’autres mots, des coquilles vides – envoient des factures de complaisance à des entreprises réelles. Celles-ci paient le montant et réclament au gouvernement un remboursement de la taxe de vente.

Sauf que la « coquille vide » ne garde pas l’argent. Elle encaisse le chèque dans un centre d’encaissement et renvoie la somme en cash à l’entreprise initiale, tout en gardant une commission.

Cette façon de faire permet aux entreprises non seulement de frauder le gouvernement, mais aussi d’amasser d’importantes sommes d’argent liquide. Elles peuvent ensuite payer leurs employés au noir et ainsi éviter toutes sortes de charges sociales.