En français, s’il vous plaît…
Yves-François Blanchet, député fédéral du comté de Beloeil-Chambly, a réagi à l’énoncé d’intention du gouvernement libéral qui prétend soutenir le français au Québec et au Canada, dont il admet la précarité. Le Journal de Chambly s’est entretenu avec le chef du Bloc québécois au sujet de la langue française.
Comment se porte la langue française au Canada?
Je ne suis pas le meilleur porte-parole pour l’extérieur du Québec, mais on est en relation très suivie avec la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada. Elle a des revendications, car, en effet, sur le plan des services, il y a un recul continuel. Je dirais que pour les communautés francophones à l’extérieur du Québec, il y a un progrès par ce que la ministre propose (Mélanie Joly – ministre des Langues officielles).
Comment se porte la langue française au Québec?
La langue française est en repli continuel, repli qui est d’autant pire que le déni qu’en ont fait certains partis politiques. La bonne nouvelle, c’est que les libéraux et le document de Mme Joly reconnaissent la précarité du français et reconnaissent la nécessité d’intervenir, ce qui est positif. Le problème, c’est que les mesures pertinentes pour les communautés francophones hors Québec ne sont pas pertinentes pour le français au Québec. Nous avons déjà la loi 101, excellent outil de protection malheureusement affaibli par la Cour suprême du Canada à de nombreuses reprises.
La langue française est-elle encore un enjeu principal que mettent de l’avant les politiciens?
C’est revenu très fort, notamment parce que le gouvernement de M. Legault a annoncé des mesures vigoureuses pour protéger et promouvoir le français. L’Assemblée nationale, de façon consensuelle, souhaite une meilleure protection pour le français. C’est retardé en raison de la pandémie, mais le gouvernement s’apprête à déposer ses propres demandes. Le gouvernement a d’ailleurs présenté à Mme Joly un document exposant les demandes du Québec, demandes qu’elle a refusées.
Est-ce utopique de croire qu’un jour, la fonction publique fédérale sera bilingue?
Une étude issue du Commissariat aux langues officielles démontre que 40 % des fonctionnaires francophones sont intimidés de parler en français dans les réunions. Les gens passent plutôt systématiquement à l’anglais dès qu’il y a un ou des anglophones dans une réunion. Trop souvent, les francophones passent à l’anglais pour accommoder les anglophones, car les francophones sont, plus souvent, capables de parler anglais que l’inverse, au moins à l’extérieur du Québec.
Souhaitez-vous que les immigrants connaissent d’emblée le français?
Ce que l’on demande, c’est que les immigrants qui font leur demande de citoyenneté à partir du Québec doivent avoir une connaissance minimale du français. À l’échelle canadienne, la loi stipule que pour faire une demande de citoyenneté au Canada, il faut avoir une maîtrise de l’une des deux langues officielles. Au Québec, la seule langue officielle, c’est le français, qui est dans une position précaire.
Le racisme systémique a été nommé fréquemment dans les derniers mois au Québec. Les francophones, au sein du Canada, vivent-ils du racisme en raison de la langue parlée?
Je pense qu’il y a une inégalité dans le traitement du français et de l’anglais dans la fonction publique, mais je ne parlerais pas de racisme systémique dans ce contexte-là, pas du tout.
La mort de la langue française est-elle imminente au Canada?
Les mesures de protection du français instaurées par la loi 101 étaient très efficaces, mais progressivement, la Cour suprême et l’attitude du fédéral ont rongé l’efficacité de cette loi au fil des années. Maintenant, notre difficulté à intégrer des immigrants en français provoque un important recul du français, en particulier dans la grande région de Montréal.
Les Canadiens anglophones sont-ils las d’entendre les francophones revendiquer pour leur langue?
Je crois qu’il y a des Canadiens anglophones qui ont une affection sincère pour le français, mais je pense aussi qu’il y en a un certain nombre pour qui c’est tannant, ce débat et cette volonté des Québécois à préserver le français. Je ne pense toutefois pas que les gens soient hostiles envers le français, mais ils peuvent ne pas souhaiter donner un statut particulier à la langue française et à sa protection.