Le nouveau rôle de Mary Simon : citoyens et politiciens s’expriment

Mary Simon est une femme, une Autochtone qui plus est, ayant une feuille de route impressionnante. Pour certains, elle est le symbole du progrès, de l’espoir et de la paix. Pour d’autres, elle est la gouverneure générale qui ne parle pas le français, un instrument politique dont le pouvoir sera plus limité que porteur de changement.

Le journal est allé à la rencontre de citoyens et de politiciens qui étaient de passage à Chambly pour les entendre justifier ces avis contraires.

La réaction des élus politiques

Au gouvernement libéral

À Chambly, lors de sa visite au Centre de bénévolat de la Rive-Sud la semaine passée, le leader du gouvernement à la Chambre des communes et lieutenant du Québec, Pablo Rodriguez, a commenté la récente nomination de Mary Simon : « Elle contribuera à la réflexion nationale. C’est une femme extraordinaire. Elle a été décorée de l’Ordre du Québec, de l’Ordre du Canada, de l’Ordre du Danemark, elle a représenté le Canada au Cercle polaire, elle a été ambassadrice au Danemark, elle a 11 ou 12 doctorats honorifiques. C’est une femme d’envergure. Elle peut être un modèle à suivre, d’une part pour les Autochtones et, d’autre part, pour les jeunes filles. Quant à la question du français qu’elle ne parle pas, mais que je suis convaincu qu’elle apprendra, il faut se rappeler que dans sa jeunesse, elle a été envoyée en pensionnat autochtone, où le français lui était interdit. C’est un drame. Sa langue maternelle n’est pas non plus l’anglais, c’est l’inuktut! », a-t-il observé, confiant de voir Mme Simon jouer un rôle unificateur, en cette période qui nous confronte aux dures réalités et injustices subies par les autochtones.

Quant aux tensions palpables qui mènent des criminels à brûler des églises au pays, depuis la découverte des sépultures anonymes d’enfants dans les anciens pensionnats, le ministre Rodriguez a répondu que « toute forme de violence demeure inacceptable, à l’égard de qui que ce soit, tout comme le fait de vouloir corriger une injustice par une autre injustice ».

Au NPD

Du côté du NPD et des conservateurs, on a félicité Mme Simon pour ses nouvelles fonctions en tant que gouverneure générale, et souligné les effets positifs que sa nomination pourraient avoir sur la société. « Au nom des néo-démocrates, je félicite et souhaite la bienvenue à Mme Mary Simon. Elle a eu une carrière impressionnante et continue de faire tomber les barrières en tant que première gouverneure générale inuk, et première issue des peuples autochtones. Mme Simon saura mettre à profit son expertise et son expérience, acquises au travers des années en tant que militante, dans le cadre de son nouveau rôle. Nous espérons aussi que cela marquera le début d’une nouvelle ère pour le personnel, qui continuera de travailler dur pour soutenir la gouverneure générale. », a publié le chef du NPD, Jagmeet Singh, sur les réseaux sociaux.

Au Parti conservateur

Le chef du Parti conservateur, Erin O’Toole, a également présenté ses félicitations à Mary Simon, ajoutant qu’ « Il s’agit d’un jour important pour l’ensemble du pays, et puis tout particulièrement pour les peuples autochtones. Le rôle du gouverneur général est important pour faire régner l’unité au sein du pays, et doit se vouloir rassembleur des Canadiens. Je lui souhaite le meilleur dans l’exercice de ses nouvelles fonctions. »

Au Bloc Québécois

Du côté du Bloc Québécois, on se montre beaucoup moins appréciatif de ce choix, puisque Mme Simon ne parle pas le français. Le député bloquiste de Longueuil—Saint-Hubert et comédien, Denis Trudel, qui était de passage à La Croisée des Chemins à Chambly jeudi passé, a accepté d’émettre un commentaire relativement à ce qu’il estime être une « insulte », tant pour les autochtones que pour les Québécois : « Je suis au Parlement depuis un an et demi. Dans le dernier mois, il a beaucoup été question de langue française. Justin Trudeau et Mélanie Joly ont fait de gros mamours à la langue française pendant un mois pour dire à quel point c’était important, que oui, c’est vrai, le français est menacé, et pas au même titre que l’anglais. Ils ont admis pour la première fois qu’il y avait une asymétrie entre les deux langues. Et là, ils viennent de tout saper en nommant une femme qui ne parle pas français. Comment peut-on ignorer 30 % de la population qui parle français?! Ceci dit, pour moi, le poste de gouverneur général est inutile et dispendieux. C’est un symbole vide, un rôle qui ne changera rien concrètement pour les Autochtones. Ce n’est pas ce qui amènera l’eau potable dans les réserves qui n’en ont pas et où l’on y vit à quatre ou cinq familles dans des trois et demie insalubres. »

Son ami et collaborateur au sein du Bloc, également actionnaire de La Croisée des Chemins, Dominique Théberge, renchérit : « Les Québécois, les francophones au Canada, en général, on est une minorité aussi. Et là, tout à coup, c’est comme si, par opportunisme, Justin Trudeau instrumentalisait les Premières Nations en raison des récentes révélations, générant du capital de popularité sur leur dos. Maintenant, s’il y a une chose positive que je peux dire, c’est que c’est génial pour les Premières Nations, mais ce n’est pas assez. Les Premières Nations souffrent encore. Maintenant, elles ont quelqu’un qui les représente, en vice-reine d’un peuple qui a souffert, mais qui fera quoi, concrètement? »

La réaction citoyenne

« Mme Simon a un parcours impressionnant et je suis fière que ce soit la première personne autochtone à assumer ce rôle de gouverneure générale du Canada. J’espère juste qu’elle apprendra le français, chose qu’elle n’a pas eu la chance d’apprendre, mais ‘’apparemment’’, elle s’est engagée ‘’fermement’’ à le faire. », témoigne la chamblyenne Andréanne St-Jacques.

« Du fait qu’elle soit issue elle-même d’une minorité, je pense que ça lui donne une valeur ajoutée pour comprendre les défis d’inclusion qui peuvent exister entre Autochtones et non-Autochtones. Une gouverneure à qui d’autres citoyens peuvent s’identifier ne peut être que bénéfique. Elle ne parle pas français? Et alors? Il ne s’agit pas nécessairement de parler toutes les langues, mais de savoir penser et agir. Le fait qu’elle ne parle pas français, je ne pense pas que ce soit une limitation… absolument pas! Et je lui souhaite du succès. », a indiqué au journal Irina Tokplonou, carignanoise.

Finalement, pour France Oligny, également de Carignan, la maîtrise du français, lorsqu’on est gouverneur général, ne devrait pas être négociable, car « au Québec, eh bien, on parle le français ».