Des éducateurs spécialisés oubliés

L’octroi d’un incitatif pécuniaire, sous forme de prime, à certains salariés mais qui exclut complètement les éducateurs spécialisés travaillant en centres jeunesse fait réagir.

« Au début, nous étions persuadées que nous étions incluses. Puis ce fut la surprise quand nous avons su que ce n’était pas le cas. On a vécu un sentiment d’injustice et d’incompréhension », déclare Mylène Mercier-Fortier, éducatrice spécialisée au Centre jeunesse de la Montérégie, dont le point de service est le campus de Chambly. Celle qui exerce le métier depuis près de deux ans croit de bonne foi que c’est un oubli de la part du gouvernement et considère que celui-ci doit réévaluer la situation.

Bien qu’elle ne s’oppose pas à une bonification salariale pour les intervenants qui travaillent en centres jeunesse, l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS), qui représente des travailleurs comme Mme Mercier-Fortier, dénonce l’instrumentalisation que fait le gouvernement Legault de l’état d’urgence sanitaire afin de combler le manque de main-d’œuvre qui sévit présentement en protection de la jeunesse.

« On a vécu un sentiment d’injustice et d’incompréhension. » – Mylène Mercier-Forcier

« Il est inacceptable que le gouvernement utilise les pouvoirs d’exception que lui confère l’état d’urgence sanitaire pour régler un problème d’attraction et de rétention de la main-d’œuvre en centres jeunesse, car ce dernier n’a aucun lien avec la pandémie. Seule l’amélioration des conditions de travail pourra le résoudre et cela doit passer par une entente avec l’APTS et non par des primes décidées arbitrairement par le gouvernement. Cette attitude autocratique du gouvernement Legault est un manque flagrant de respect envers les structures encadrant les relations de travail au Québec et démontre la vision à courte vue du gouvernement lorsqu’il s’agit de régler des problèmes de fond dans le réseau de la santé et des services sociaux », déclare Josée Fréchette, vice-présidente de l’APTS.

En mêlée de presse, Lionel Carmant, ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux avait annoncé en juin dernier qu’il était prêt à allonger 28,5 M$ afin de réduire les délais d’attente pour obtenir divers services sociaux destinés aux jeunes vulnérables, et ainsi « éviter que les situations dégénèrent ».

Cette décision « prise à la va-vite » afin de tenter de réduire les listes d’attente qui ont explosé au cours des dernières semaines en protection de la jeunesse brime les autres secteurs des centres jeunesse, exclus d’emblée du versement de la prime « escalier », qui peut atteindre jusqu’à 1 000 $ par mois.

« Ce qui est sidérant, c’est que les intervenants des centres de réadaptation, qui hébergent et prennent soin des jeunes les plus vulnérables de la DPJ de jour comme de nuit, n’ont pas droit à cette nouvelle prime. Pourtant, ce secteur subit tout autant que les autres les conséquences de l’exode de la main-d’œuvre qui frappe la protection de la jeunesse. Le ministre Carmant doit s’expliquer publiquement sur les raisons qui l’ont mené à exclure des milliers de travailleurs qui tiennent à bout de bras l’avenir de nos enfants vulnérables. Ce faux pas aurait pu être évité s’il avait pris soin de nous contacter avant d’agir. Nous voulons travailler avec le gouvernement pour trouver des solutions, encore faut-il qu’il ait la même volonté », poursuit Josée Fréchette.

« Nos chambres ne sont jamais vides. Le nombre de jeunes placés augmente, alors que le personnel sur le plancher est en réduction. C’est très demandant et il y a un essoufflement », mentionne l’éducatrice spécialisée. Le mouvement de personnel est fréquent et, dans ce contexte, il est difficile d’assurer une régularité permettant d’encadrer adéquatement une clientèle fragilisée.
Pour l’APTS, la création d’une prime au moyen d’un arrêté ministériel découlant de l’état d’urgence entraîne des insatisfactions dans les secteurs des autres missions du réseau, qui sont également aux prises avec des listes d’attente effroyablement longues.

« Récemment, le gouvernement a décidé d’octroyer des contrats lucratifs aux cliniques médicales privées qui font des examens d’imagerie médicale au lieu de miser sur les technologues du réseau public pour rattraper les retards causés par la pandémie. Pourquoi ne leur offre-t-on pas les mêmes avantages qu’aux travailleurs des centres jeunesse?  », conclut la vice-présidente de l’APTS.

Chambly en chiffres

Pour l’ensemble de la Montérégie, 619 dossiers sont en attente, dont 68 dans le secteur de Chambly.

Les délais d’attente sont d’environ 50 jours pour des jeunes dont la sécurité et le développement sont compromis. Le délai prescrit par la loi est de 5 jours.

Plus de 13 postes à temps complet sont vacants dans l’équipe réception-traitement des signalements au campus de Chambly.