Un combat pour l’expression des hommes
À l’occasion de la Journée internationale des hommes, le 19 novembre prochain, le Centre communautaire L’Entraide Plus souhaite attirer l’attention sur la cause de la « gent » masculine, dont les sentiments parfois réprimés ne sont que trop rarement objet de discussion.
Claude de Varennes est responsable des proches aidants masculins au Centre. Il invite les hommes de 55 ans et plus à se joindre à lui lors d’une première rencontre, qui aura lieu à L’Entraide Plus (2437 av. Bourgogne), le 19 novembre, de 11 h à 14 h, afin d’échanger en toute liberté, à l’abri du jugement. Il souhaite ainsi offrir un lieu sécurisant aux participants pour leur permettre de s’y épanouir et de montrer leur vulnérabilité en toute quiétude.
Les hommes qu’il a connus
« Ayant côtoyé plusieurs groupes d’hommes au cours des 30 dernières années, j’ai constaté que les hommes peuvent très bien exprimer leurs émotions et agir sur le coup des sentiments qui les animent. J’en ai été témoin des milliers de fois. J’ai compris que l’homme plus traditionnel avait besoin d’un contenant accueillant, sécurisant, et non pas empreint de jugement, où il se sentirait en sécurité pour accueillir sa vulnérabilité et toute sa beauté intérieure », explique Claude, dont l’initiative émane aussi d’un désir de rendre hommage aux hommes qui ont croisé sa route.
« Dans une lettre que j’ai écrite et dans laquelle je lance l’appel à la participation, je parle de l’histoire d’un gars que j’ai connu, qui était un peu colérique, jamais satisfait de rien. Puis, c’est sur la route, au cours d’un voyage en auto que j’ai fait avec lui, que j’ai découvert qu’il était en fait un être d’exception, sensible et généreux, qui s’impliquait auprès des clubs optimistes, et qui était aussi famille d’accueil. »
« La plus grande proximité (que mon père) pouvait offrir, c’était une poignée de main. » – Claude de Varennes
Dans les années 80, alors qu’il travaillait dans le milieu syndical, Claude s’est impliqué au sein d’un comité de santé et de sécurité au travail. « Tout ce qui comptait à cette époque, c’était les blessures d’ordre physique. » Il a éventuellement été confronté à des problèmes d’une autre nature à traiter. « Je voyais des problèmes de consommation, d’autres liés à une séparation, etc. J’ai alors voulu développer le volet de la santé psychologique lors de mes formations en sécurité du travail. »
La relation de Claude avec son père aurait, selon lui, aussi subi les effets de cette répression genrée des sentiments, puisque ce dernier les exprimait difficilement. « Mon père a fait la Deuxième Guerre mondiale. La plus grande proximité qu’il pouvait offrir, c’était une poignée de main. Gamin, je n’ai réussi qu’une seule fois à m’asseoir sur ses genoux. Après quelques minutes, il n’en pouvait plus. Je ne l’ai jamais vu manifester le moindre geste de tendresse devant nous envers ma mère, ni aucun geste de tendresse paternelle à l’égard de ses trois enfants. »
Des codes desquels se défaire
Ce manque de démonstration affective, Claude l’attribue aux codes imposés par « la socialisation masculine. Rappelons-nous que les hommes des années 50 devaient aimer le football, le hockey, être agressifs, patriotiques, ne jamais pleurer et être des pourvoyeurs. Dans les années 60, une autre sorte d’homme est apparue. Les pertes et la violence vécues durant la guerre du Vietnam ont amené l’homme à se questionner sur ce qu’était vraiment un homme adulte. Si devenir un homme était de se comporter comme à la guerre, il ne voulait plus y être associé. À la même époque, le mouvement féministe a encouragé l’homme à devenir plus conscient de la réalité et de la souffrance vécues par les femmes. À mesure que les hommes se sont intéressés à l’histoire des femmes et à leur sensibilité, quelques hommes ont commencé à remarquer leur côté féminin et à y porter attention. Le mâle est alors devenu plus réfléchi, plus gentil. Mais, par ce processus, il n’est pas devenu plus libre. Dans les années 70, nous avons commencé à voir, partout au pays, l’émergence d’un phénomène que l’on peut appeler l’homme rose (l’homme doux). Il est aimable, valeureux, il n’est pas intéressé à endommager la terre ni à créer des guerres ».
Aujourd’hui, les codes et les catégorisations qui empêchent les hommes de s’épanouir pleinement, sous leur propre identité, demeurent préoccupants pour Claude, qui souhaite contribuer à les déconstruire et à ramener un peu l’attention sur le combat des hommes réprimés. Sylvie Blanchard, directrice générale du Centre communautaire, appuie son initiative. « On parle beaucoup de féminicides, mais pas autant des combats qui restent à mener dans la société relativement à la mâlitude, au fait de devoir prendre sa place et d’être proactif et créatif en société. »