Un secteur précaire
Pour une seconde année, les restaurateurs ont vu la faste saison des Fêtes leur filer entre les doigts.
« On le voyait venir. C’était écrit dans le ciel. On est rendu un restaurant saisonnier quasiment », mentionne d’emblée Éric Bellemarre, copropriétaire du restaurant Chez L’Artisan situé à Saint-Mathias-sur-Richelieu. Depuis le début de la pandémie, il a jonglé avec les multiples mesures. Face à la situation, le restaurateur avait pris la décision de fermer du 19 décembre au 7 janvier.
Habituellement, le restaurateur est ouvert le 31 décembre. Anticipant la gestion des masques, la distanciation et la piste de danse, il a préféré lancer la serviette avant même les mesures annoncées du 30 décembre dernier qui forçaient la fermeture des restaurants. « Ça ne me tentait pas de jouer à la police avec tout ça », justifie-t-il.
Les premières annonces des 17 et 18 décembres avaient aiguillé Frédéric Pichette à la direction de la restauration du Fourquet Fourchette. « Il est devenu clair à ce moment que nous n’aurions pas de 31 décembre », dit-il. Les réservations des Fêtes ont dès lors été annulées. Du 17 au 23 décembre, ce sont 760 clients qui se sont désistés. La production faite en novembre par son personnel est devenue caduque. Afin de prévenir les pertes alimentaires, M. Pichette avait préalablement standardisés ses menus avec beaucoup moins de choix qu’à l’habitude. Quand le restaurant a fermé, c’est une réserve de ragoût de boulettes, de tourtières et de dinde que devait écouler Frédéric Pichette. « C’était des produits faciles à portionner. On a tout de suite switché en mode ‘’boîte repas’’ nous permettant soit de conserver ou de passer nos produits » . Là où le bas blesse se situe en ce qui à trait aux produits périssables comme la laitue ou les produits laitiers, ainsi qu’une cave pleine de vin qui « dort inutilement ». Concernant les produits périssables, des dons ont été faits à différents organismes.
« J’ai pas acheté un restaurant pour faire trois quarts de mon année avec des formules pour emporter. » – Éric Bellemarre
Pour liquider ses congélateurs remplis d’un temps des Fêtes qui n’a pas existé, Éric Bellemarre a pour sa part reparti son modèle sous vide. Les menus take-out ont suivi. « Je n’ai pas acheté un restaurant pour faire trois quarts de mon année avec des formules pour emporter », convient-il toutefois.
Un métier moins reluisant
Le personnel œuvrant dans le milieu de la restauration, des cuisines à la salle à manger, a vécu son lot de hauts et de bas, avec ses fermetures et ouvertures en alternance. « Certains membres de mon personnel sont tellement découragés qu’ils pensent retourner à l’école et s’orienter dans un autre métier », admet avec découragement M. Bellemarre. Son personnel a été sur le chômage plus souvent qu’autrement depuis le début de la pandémie. Parmi eux, des parents, propriétaires de maison, n’arrivent plus. « C’est pas juste des étudiants que j’ai. Ce sont des professionnels pour qui c’est le métier. C’est pas du ‘’en attendant’’ », s’indigne Eric Bellemarre qui peine à recruter. Celui-ci a tenté de trouver, sans succès, du personnel à travers les écoles hôtelières. Aux dires de l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ), les inscriptions se maintiennent dans l’ensemble de ses programmes. Le nombre de candidatures reçues est encore suffisant pour remplir la vaste majorité de ses groupes. « La pénurie de main-d’œuvre était le principal enjeu de nos secteurs avant la pandémie. C’est un bon moment pour étudier. Une fois cette crise sanitaire passée, le milieu de la restauration aura plus que jamais besoin de gens formés qui sauront mettre leur énergie au service d’une industrie en reconstruction », anticipe Richard Laroche, directeur principal des études professionnelles, techniques et des affaires étudiantes de l’ITHQ. Celui-ci estime que l’industrie du tourisme, de l’hôtellerie et de la restauration aura « grandement besoin de notre relève ».
À L’ITHQ, aucun programme n’a dû être annulé. Les professeurs maintiennent leurs heures d’enseignement. Le seul programme pour lequel elle observe une diminution des inscriptions est celui de formation en service. Cela n’a pas empêché le programme de démarrer pour la session d’hiver. « Les métiers et professions de l’industrie de l’accueil semblent peut-être moins attractifs depuis la pandémie, mais l’ITHQ demeure convaincu de l’importance et de la valeur d’une formation dans ces secteurs. Lors de la reprise, on sera à la recherche d’une relève formée, compétente et qualifiée », complète M. Laroche qui prévoit voir ses diplômés naître professionnellement en même temps qu’émergeront de nouveaux projets et modèles d’affaires.
Jusqu’à quand?
À travers cette pandémie, il est arrivé plusieurs fois que Québec prévoit une date de réouverture pour ensuite la repousser. « Le gouvernement dit trois semaines mais d’après moi, on va se revoir au mois de mai », estime Chez l’Artisan qui en est à préparer ses boîtes de Saint-Valentin. « Tant mieux si je réussis à avoir un beau weekend de Saint-Valentin mais je ne m’attends pas à avoir de groupe avant le printemps », fait part quant à lui le Fourquet Fourchette. Après avoir vu partir les mariages de 2020 et 2021, le Fourquet Fourchette entrevoit difficilement comment survivront ceux de 2022. À cette période de l’année, il en est à préparer les unions de 2023. Dans le contexte actuel où les prix ont changé de façon démesurés, il devient difficile pour lui de proposer des tarifs à cet effet à sa clientèle.