De l’essence à l’électrique
Cela fait plusieurs années que Luc Baillargeon, d’Éco-citoyens Chambly, a ajusté les comportements liés à sa mobilité, dans un Québec où l’essence devient un produit luxueux.
« Le véhicule électrique, c’est une des solutions pour réduire notre consommation d’essence », exprime M. Baillargon, qui y voit un gain environnemental. Il nuance toutefois que ça ne règle pas tous les problèmes. Christoph Stamm est chargé de cours au Département de sociologie à l’Université de Montréal. Parmi ses champs d’intérêts, il y a la transition socioécologique. Il se réfère aux hausses du prix de l’essence de 2008 et de 2014 pour tracer un parallèle avec l’actualité. « On se rend compte que les gens ne réagissent pas très rapidement, parce qu’ils pensent que c’est peut-être temporaire et que l’essence va rebaisser », avance M. Stamm. Il estime qu’il faudra que le prix de l’essence soit élevé de façon permanente, à long terme, pour que les consommateurs achètent des voitures plus petites. « Ce que l’on a vu ici dans le passé quand le prix de l’essence a rebaissé, c’est une tendance à acheter des voitures de plus en plus grosses », met en reflet le chercheur sur la transition socioécologique.
Christoph Stamm rappelle qu’il ne faut pas se leurrer quant aux voitures électriques, aussi nommées ‘’voitures zéro émission’’. Il souligne que ces véhicules utilisent des métaux en plus grand volume. « Pour leur construction, ces voitures sont plus énergivores et l’impact environnemental est plus élevé », soutient-il. Le chargé de cours mentionne qu’il faut rouler de 40 000 à 80 000 km (1 à 2 fois le tour de la Terre) avec une voiture électrique avant que ça devienne un avantage écologique. « C’est un mythe de penser que la voiture électrique serait la solution à tout. Ce n’est qu’une solution très partielle. On doit viser d’autres éléments », juge M. Stamm. Plutôt que de parler d’une transition de l’essence à l’électrique, il pense en termes de transition socioécologique. Réduire le parc automobile, favoriser l’achat de petites voitures, inciter les gens à rouler moins et développer le transport en commun sont les solutions qu’il dépeint. « Est-ce que l’État doit subventionner à coups de milliards l’achat de voitures électriques ou les investir dans le transport en commun? », questionne-t-il. Dans la région, Luc Baillargeon souligne également qu’il serait important de développer plus de « covoiturage et d’autopartage, ainsi que de bonifier l’offre de transport en commun ».
« C’est un mythe de penser que la voiture électrique serait la solution à tout. » – Christoph Stamm
Comme il se fait dans certains pays, Christoph Stamm propose un système faisant en sorte que les propriétaires de véhicules énergivores paieraient des redevances utilisables par la suite pour subventionner l’achat de véhicules électriques. En 2035, la vente de voitures neuves à essence sera interdite au Québec et au Canada. « Au Québec, l’installation des bornes de recharge sera un défi, particulièrement dans les centres-villes », prévoit-il.
Changer ses habitudes
Au fil des dernières années, Luc Baillargeon a adapté la façon dont il se déplace afin de réduire sa dépendance envers l’automobile en général. Tout d’abord, son ménage possède un véhicule électrique, qu’il a acheté usagé, ainsi qu’une petite voiture à essence, qu’il n’utilise qu’une seule fois par semaine. Localement, il se meut exclusivement à vélo. Il attache une remorque à celui-ci quand il est question de faire son épicerie. S’il doit se rendre, par exemple, à Montréal, il utilise le transport en commun ou il fait du covoiturage, autant que faire se peut.
Le prix de l’essence
Certains demandent au gouvernement d’intervenir au sujet de la hausse du prix de l’essence. « On a été dans la ouate pendant plusieurs années », considère M. Baillargeon. Il s’explique en disant que ça fait près d’une décennie que le prix de l’essence pourrait atteindre 2 $ le litre. « C’était prévisible et normal […] c’est l’évolution des marchés que l’on n’a juste pas vécue dans les dernières années » fait-il valoir. Il note un effet pervers à ne pas avoir augmenté le prix de l’essence dans les dernières années, soit celui d’avoir incité des gens à se procurer des véhicules utilitaires sport (VUS).
L’ICEing
Une pratique nommée l’ICEing existe. L’ICEing est un terme utilisé par les conducteurs de voitures électriques pour décrire une personne dans un véhicule à moteur à combustion interne bloquant un point de recharge pour voiture électrique. Ce phénomène semblerait plus courant avec les camions occupant des points de recharge pour véhicules électriques, mais il peut s’agir de n’importe quel véhicule qui ne se recharge pas. C’est l’équivalent de garer son véhicule électrique à une pompe à essence et de le laisser là en allant faire ses courses.
Ville de Chambly
De son côté, la Ville de Chambly encourage l’achat de véhicules électriques pour les citoyens. Elle offre une subvention correspondant à 25 % du prix d’achat et d’installation d’une borne de recharge résidentielle, jusqu’à concurrence d’un montant maximal de 250 $.
De son côté, Yves-François Blanchet, député de Beloeil-Chambly et chef du Bloc québécois exige que le fédéral coupe l’ensemble de ses subventions aux compagnies pétrolières et les verses aux plus vulnérables. « Les citoyens déboursent deux fois. Ils paient pour les profits records des pétrolières à la pompe, puis ils paient à même leurs impôts pour les subventions faramineuses que le fédéral leur verse », explique-t-il dans un communiqué.