Reconstruire son fort
Claudette Lamothe est l’une des victimes du Mathiassois Normand Brunet. La « survivante » livre au Journal de Chambly le dur parcours qu’elle a vécu.
De 1997 à 2005, Claudette Lamothe et Normand Brunet ont formé un couple. « Au début, la relation, c’était bien, mais ça a été vite », stipule la Carignanoise. Rapidement, elle devient enceinte de son conjoint. « Ça s’est dégradé à six, sept mois de grossesse », précise Mme Lamothe.
La violence psychologique s’installe. Dénigrement, insultes et infidélité résument ce que subit Claudette Lamothe. « Quand je lui exposais les faits, il me disait »Si tu crois à ça, fais-toi donc avorter » », relate-t-elle.
Après l’accouchement, la condition de la mère de famille se détériore davantage. La violence psychologique s’accentue alors que sa version physique prend place. Claques derrière la tête, prises de bras, œil au beurre noir, ou se faire accoter vigoureusement dans le mur pour recevoir des ordres se succèdent pour celle qui exploitait alors une garderie en milieu familial à domicile. « Il m’a déjà fait descendre l’escalier en me tenant par les cheveux. Je n’ai pas descendu les marches convenablement, disons… », évoque-t-elle. Après les écarts de conduite, la mauvaise conscience de l’agresseur fait surface. « Il s’excusait et me disait qu’il savait qu’il fallait qu’il se soigne. Tu rembarques, tu fais confiance », fait valoir la femme qui, sous la menace, n’osait pas partir.
Dénoncer l’agresseur
Claudette Lamothe ne parle que très peu à son entourage de la violence qu’elle vit. En 2019, soit 15 ans après sa séparation avec Normand Brunet, elle dénonce les sévices qu’elle a vécus. C’est en voyant à la télévision l’arrestation du Mathiassois en raison de contacts sexuels sur une personne d’âge mineure que Mme Lamothe décide d’agir.
Devant l’enquêtrice, Claudette Lamothe s’ouvre et se raconte. La policière l’encourage à porter plainte. « Je me suis dit qu’il a fait ça à une mineure. Il faut l’arrêter là », réalise la citoyenne de Carignan.
« On m’a entendue, on m’a crue, justice est rendue. » – Claudette Lamothe
Claudette Lamothe met l’accent sur l’objectif la poussant à dévoiler son récit. « Osez dénoncer. C’est difficile mais, on y arrive. On n’est pas toutes seules. On peut avoir de l’aide », explique la victime.
Un long combat
Trois ans se sont écoulés entre la dénonciation et le verdict de culpabilité. C’est un long combat qui a habité son quotidien qu’a mené Claudette Lamothe. Au fil des déclarations et des témoignages qu’elle livre, elle prend confiance. « Je me sentais libérée parce que l’on me croyait, au niveau des enquêtrices », confie l’éducatrice en petite enfance, qui est en arrêt de travail depuis trois ans. Au début, elle souhaitait que Normand Brunet plaide coupable pour ne pas avoir à vivre les dédales d’un procès. Appuyée par l’Indemnisation des victimes d’actes criminels (IVAC), elle suit une thérapie qui l’outille dans le cheminement. « Plus j’avançais, plus je ne voulais pas qu’il plaide coupable. Je voulais aller raconter mon histoire à la juge. Je voulais être entendue », dit la femme en évoquant l’aspect libérateur de la démarche.
« Aujourd’hui, je ne suis plus une victime. Je suis une survivante », résume celle qui considère avoir gagné son combat.
Une décision qui allège
Quand la juge déclare Normand Brunet coupable de voies de fait, de voies de fait causant des lésions corporelles, d’agression sexuelle et de harcèlement sexuel, c’est un sentiment de « satisfaction, de soulagement et de délivrance » qui envahit Mme Lamothe. « Tu te dis »On m’a entendue, on m’a crue, justice est rendue » », répète-t-elle, les yeux imbibés d’eau.
Outre la longueur de son combat et les délais encourus dans le système de justice, Claudette Lamothe déplore le fait qu’une fois reconnu coupable, son agresseur « sorte du palais de justice par la même porte que moi ». Elle soulève aussi la notion des bracelets électriques qu’elle souhaiterait voir les agresseurs porter lorsque libérés « pour vivre la tête plus tranquille ».
Vivre avec les séquelles
Bien qu’elle soutienne apprendre à vivre avec des séquelles, Claudette Lamothe replonge à l’occasion dans ses lourds souvenirs. « N’attendez pas 18 ans, comme moi, pour dénoncer parce que ça brise une vie. J’ai vécu avec ces blessures longtemps. J’ai été en mode survie à un point tel que tout ça s’est enfermé dans un tiroir », fait valoir la femme de 57 ans qui, en ouvrant ledit tiroir, a senti l’emprise de son agresseur se relâcher.
Un retour graduel vers le chemin du travail s’amorce pour Mme Lamothe. Le 27 février, elle effectuera un retour professionnel progressif. « Il faut que je continue à apprendre à me reconstruire », souffle-t-elle doucement en finissant.