De grosses inquiétudes chez les garagistes
La présence grandissante de voitures électriques demande une adaptation tout aussi grande des garages, qui s’interrogent parfois sur leur avenir.
Recevoir ou pas des véhicules électriques (VE) dans son garage? Former des employés pour pouvoir réparer des VE? Quels sont les dangers pour un mécanicien de travailler sur un VE? Y a-t-il suffisamment de main-d’œuvre qualifiée pour réparer ces nouveaux véhicules qui ne cessent d’évoluer technologiquement?
Toutes ces questions sont celles que se posent les garagistes indépendants du Québec.
Le journal a contacté plusieurs d’entre eux dans la région de Chambly et ils sont tous unanimes sur un point, celui de devoir s’adapter.
Pas fans des VE
Les garagistes indépendants contactés sont assez unanimes sur un point. « Ça coûte cher à entretenir, un véhicule électrique. »
Un véhicule plus lourd, qui sollicite davantage les amortisseurs et les freins, assorti à une puissance au démarrage, impliquerait une durée de vie des pneus plus courte, qu’il faudra donc changer plus souvent.
Les garagistes rencontrés estiment que le temps passé à la réparation d’un VE est plus long. Donc, le passage chez le garagiste, bien que les rendez-vous soient plus espacés, est plus onéreux.
Pour CAA Québec « les visites chez le garagiste s’espacent, étant donné que l’entretien d’une mécanique électrique est moins fréquent, et moins compliqué que celui d’une mécanique traditionnelle. C’est aussi moins coûteux ». L’organisme indique qu’il y a des économies à faire sur les coûts d’entretien, environ 500 $ annuellement (pas de vidange d’huile ni de remplacement de filtre à air, de bougies, de tuyau d’échappement, de réservoir à essence, moins d’usure de plaquettes et des disques de frein – grâce au freinage régénératif).
» La profession est déjà malade. Il y a une grande difficulté de main-d’œuvre qualifiée. De plus, il faut former des mécaniciens sur une nouvelle technologie qui n’est pas standardisée. » – Dominic Landry
À travers les différents témoignages recueillis, il semble assez clair que les garagistes autonomes de la région ne semblent pas fans des VE. Il faut dire que l’arrivée de ces véhicules générera de gros changements pour ces entreprises.
Modernisation
Le gouvernement est conscient que les garagistes auront des défis d’adaptation. « Les garages reçoivent des subventions gouvernementales pour former les mécaniciens afin d’intervenir sur les VE, mais il y a d’autres défis de taille », indique Dominic Landry, président et formateur au sein de la Corporation des garagistes indépendants du Québec.
Quand on lui demande si les garages indépendants sont préoccupés quant à leur avenir, il est sans appel.
« Les garages seront impactés. La profession est déjà malade. Il y a une grande difficulté de main-d’œuvre qualifiée. De plus, il faut former des mécaniciens sur une nouvelle technologie qui n’est pas standardisée. J’ai suivi une formation, il y a deux ans, qui est aujourd’hui presque dépassée tellement les nouveautés technologiques dans ce domaine évoluent vite », indique M. Landry.
Il y a un point sur lequel le président de la corporation est particulièrement inquiet. « La sécurité des mécaniciens. On ne travaille plus sur des batteries de 12,5 volts. Avec des VE, il y a de vrais risques d’électrocution. Il faut de l’outillage spécialisé. S’équiper nécessitera d’investir plusieurs milliers de dollars. Le mécanicien devra devenir aussi électricien. »
Fermetures
M. Landry s’inquiète à propos de l’avenir de plusieurs garages indépendants. Pour Yann, du Garage Automotion à Chambly, il n’y a pas de doute. « Il y a beaucoup de garages des années 60, 70 qui vont fermer. Il n’y a pas de relève, pas de mécanos. » Le fait de devoir investir pour s’adapter à l’arrivée des VE serait la goutte susceptible de faire déborder le vase.
M. Landry confirme que cela risque de devenir une tendance. » Aujourd’hui déjà, dix garages ferment pour un qui ouvre. Il n’y a pas de relève. Plutôt que de s’adapter, plusieurs qui sont proches de la retraite ne feront pas l’effort de continuer. Personnellement, je suis incapable de vous nommer un garage qui vient d’ouvrir. »
Lors de nos visites des garagistes, l’un d’entre eux, un propriétaire à l’aube de la retraite, a été clair. « Nous ne sommes pas des électriciens. Nous n’acceptons pas les voitures électriques. »
M. Landry estime qu’il faudra du temps pour que tout se stabilise. « Il va falloir avoir de la main-d’œuvre qualifiée, ce qui manque déjà aujourd’hui, et que la technologie arrive à maturité afin d’uniformiser les formations. » Une chose est certaine, les mécaniciens qualifiés ne sont pas près de manquer de travail.