Encadrer les fugues issues du Centre jeunesse de Chambly

Un plan d’action accompagne les intervenants du Centre jeunesse de Chambly (CDC) en matière de fugue, une réalité avec laquelle ils doivent jongler. 

Sophie Dubuc, coordonnatrice des services cliniques, de la qualité et de la performance au CDC, aborde le sujet en mentionnant que les fugues sont en hausse au Québec.

Elle tient toutefois à nuancer que l’importance ne se situe pas dans le nombre de fugues. Régie par le ministère de la Santé et des Services sociaux, elle définit ce qu’est une fugue. « C’est quand un enfant quitte volontairement l’établissement ou quand on n’est pas capables, au bout d’une heure, de statuer où il est », résume-t-elle. Sous ces critères, la fugue est officiellement déclarée. « On est très rigoureux et on se colle à cette définition. Donc, oui, on en a, des fugues », convient-elle.

La quantité par rapport à la qualité

Mme Dubuc développe sur le contexte. « Des fois, on a des garçons fâchés qui vivent avec 13 colocs qu’ils n’ont pas choisis. Ça se peut que tu veuilles prendre l’air par moments. Il arrive qu’ils ne font que tourner alentour 15 minutes. Quatre fois dans une semaine, ça compte pour quatre fugues », établit-elle.

Elle renchérit qu’il faut regarder plus loin que le nombre de fugues. « Est-ce que ces quatre fugues statistiques sont inquiétantes par rapport à une seule fugue d’adolescent qui va partir sur la go pendant quelques jours, peut-être consommer avec de mauvaises fréquentations? Moi, c’est cette fugue simple qui m’inquiète », avance-t-elle.

Comprendre le besoin

Sophie Dubuc met l’accent sur la compréhension du besoin derrière la fugue. « Si l’on ne s’y attarde pas, on passe à côté du problème. Il faut ensuite trouver des alternatives pour y répondre d’une autre façon », met-elle en reflet. La coordonnatrice dit ne pas mettre de l’avant que le côté « répressif » et « négatif » entourant le concept de la fugue. 

Plan d’action

Le plan d’action Les fugues en centre de réadaptation pour jeunes en difficulté d’adaptation : prévenir et mieux intervenir est un outil en place au CDC. Le document, qui vise à outiller les intervenants des centres jeunesse, propose des pistes d’intervention à l’intention des jeunes, et ce, tant pour prévenir la fugue que pour accompagner le jeune durant la fugue, de même qu’au retour de celui-ci au centre jeunesse. Le point de mire est mis sur l’accompagnement du jeune afin qu’il opte pour d’autres moyens que la fugue pour tenter de résoudre ses difficultés. 

« On s’assoit avec nos fugueurs, les parents, l’intervenant social et l’éducateur avant la fugue, et on rend prévisible la fugue », mentionne la coordonnatrice. La démarche permet notamment de sécuriser la fugue. Isabelle Kanash, chef de service de l’unité de réadaptation, ajoute que l’initiative n’est toutefois pas en place pour autoriser la fugue. « On travaille fort à les faire changer d’idée, mais ça ne fonctionne pas toujours. On essaie donc de baliser la fugue à venir. On vient y mettre un filet de sécurité », affirme celle qui gère aussi le secteur des activités du campus de Chambly.

Un accueil de fugue est traité selon le jeune en place. « Des fois, on demande s’il a mangé, on propose une douche et on va attendre qu’il soit prêt à nous jaser. Ça ne veut pas nécessairement dire que l’on va parler de la fugue en soi, mais davantage sur comment va le jeune », émet Mme Kanash.

Un milieu ouvert

Le CDC est un milieu ouvert. Mis à part le service de détention pour les jeunes ayant commis un délit ou les unités d’encadrement intensif, les portes ne sont pas barrées. Les jeunes peuvent aller à l’école, au parc, travailler, etc. « On mise plus sur des moyens à rester que sur des portes barrées », soutiennent les deux femmes.

Sophie Dubuc présente la statistique suivante. « Ce sont 75 % des jeunes sur nos campus qui ne fugueront jamais, 25 % l’expérimenteront une ou deux fois. De ces 25 %, ce n’est qu’un petit noyau qui deviendra fugueur chronique », chiffre-t-elle. Parmi les fugueurs chroniques se trouvent les jeunes en

« projet de vie ». Ceux-ci n’ont plus « vraiment » de parents et n’effectuent pas de retour à la maison les fins de semaine, comme d’autres jeunes du CDC qu’ils côtoient. « Ils se retrouvent devant rien et passent fin de semaine après fin de semaine ici », contextualisent Mesdames Dubuc et Kanash. Ces jeunes sont parfois placés au centre dès le début du primaire. À 18 ans, ils devront vivre de manière autonome.

« Parfois, ils ont besoin de vivre un peu de normalité et de tester s’ils sont capables de vivre de façon autonome. Ils le font de la mauvaise façon, on en convient, mais ils veulent expérimenter, comme les ados hors centre », termine Mme Dubuc.

Il y a 157 places au permis du CDC, faisant de lui le plus gros en son genre de la province. L’an dernier, 357 enfants différents ont vécu un séjour au CDC. L’installation fait partie du CISSS de la Montérégie-Est.