« Je voyage en classe »

Nathalie Cardin enseigne le français auprès de l’association Éduc à Tout. Au sein du Randell Hall, elle forme chaque semaine des migrants souhaitant s’intégrer dans la société.

Alors que les cours de francisation du ministère de l’Immigration affichent complet, Nathalie Cardin poursuit son chemin à Chambly. Loin des listes d’attente, l’enseignante aide des étudiants, de Chambly et des alentours, au rythme de 16 heures par semaine avec l’association Éduc à Tout depuis 20 ans! « Je suis uniquement mon programme. Je n’ai rien à voir avec le ministère de l’Immigration. Mon cours est un mélange d’alphabétisation et de francisation. Durant cette année scolaire, j’ai aidé 35 personnes. C’est un record! Lorsque j’ai commencé, nous avions un public de 10-12 personnes. »

Entre l’association et le ministère de l’Immigration, pas question de concurrence. « Les étudiants préfèrent suivre les cours avec le ministère de l’Immigration, car ils reçoivent une subvention, poursuit l’enseignante. D’ailleurs, c’est un défi pour moi, car il existe beaucoup de va-et-vient dans mon cours. Je vois constamment des étudiants quitter mon cours, car une place s’est libérée dans une classe subventionnée. Parfois, ils reviennent pour se perfectionner encore. De leur côté, les professeurs des cours du ministère de l’Immigration sont plutôt contents d’avoir des élèves qui ont déjà suivi des cours. »

Des milieux divers

Les cours de francisation sont gratuits à Éduc à Tout et Nathalie Cardin voit un public assez diversifié débarquer 16 heures par semaine dans sa salle du Randell Hall de l’avenue Bourgogne. « La majorité de mes élèves est composée d’adultes cherchant du travail le plus vite possible, analyse-t-elle. J’estime que ma mission est accomplie lorsqu’ils sont capables de s’exprimer assez bien pour comprendre et être compris. L’écriture est aussi un autre défi. Mais le succès dépend aussi beaucoup de l’effort que l’étudiant est prêt à investir. »

La Montérégie attire des migrants d’année en année et plusieurs pays et régions du monde sont désormais représentés. « J’ai reçu des femmes du Maroc et d’Afghanistan, confie Nathalie Cardin. Elles ne parlent pas français et sont analphabètes. Il faut donc utiliser des techniques différentes pour parvenir à communiquer, comme le langage du corps. On ne se rend pas compte, mais plusieurs signes appartiennent au langage universel, comme le pouce levé. Une fois, j’ai pris un squelette d’Halloween pour parler du corps humain! Il faut faire preuve de beaucoup de psychologie, car lors d’une migration, ce n’est pas le volet de la nouvelle langue qui est forcément le plus difficile. C’est un déménagement dans un nouveau pays. »

Devant des personnes en difficulté pour se construire une vie en Montérégie, Nathalie Cardin confie qu’elle dépasse son rôle régulièrement. « On est plus qu’un professeur. On essaye de leur donner un soutien plus large que la langue. Parfois, on devient même amis. Il m’arrive de gérer des crises, car la personne migrante s’ennuie de sa famille. Souvent, les gens migrants fuient leur pays en raison de guerres, de violence ou de narcotrafic. »

Un monde pas parfait

Devant ces défis culturels et sociaux, la professeure de français assure s’épanouir pleinement. « Avant d’être enseignante, j’ai été hôtesse de l’air durant 15 ans. C’est l’amour d’ailleurs! Aujourd’hui, je voyage en classe avec mes élèves. Je vais à la rencontre de gens différents dans un milieu multiculturel. »

L’étape de la migration n’est pas toujours rose. Nathalie Cardin souhaite que les choses évoluent afin de permettre aux personnes de s’épanouir au Canada et plus précisément en Montérégie. « Je pense qu’il faut donner de meilleures informations aux personnes rêvant de s’installer ici. J’ai l’impression qu’on leur fait miroiter plein de possibilités. Les loyers, la crise du logement, l’inflation ou encore les attentes à la garderie. Tout n’est pas si facile ici, alors le contraste est inévitable avec leurs attentes en arrivant. De plus, l’équivalence est difficile à obtenir pour certaines professions. Par dépit, certains doivent prendre un emploi pour lequel ils sont surqualifiés. »