Pour ne pas oublier la maison Boileau

Le 11 avril dernier, la Ville de Chambly a amorcé les travaux d’aménagement du Jardin Boileau, dont on prévoit la livraison cet été.

L’aménagement du Jardin Boileau vise à commémorer l’illustre maison du patriote René Boileau, bâtie en 1820, autrefois témoin de l’histoire de la rébellion de 1837 à 1838. Démolie à coups de pelles mécaniques, le 22 novembre 2018, sous l’administration Denis Lavoie, et sous les regards horrifiés de nombreux Chamblyens impuissants, elle laisse aujourd’hui une blessure patrimoniale profonde, que tentera de panser le futur jardin.

Comme un baume sur des ruines

Photo : Chloé-Anne Touma

De l’ordre de 600 000 $, les travaux consistent à doter la rue Martel de jardins rustiques à la française, d’un petit verger et d’une aire de pique-nique et de détente. On y trouvera une placette, une galerie d’antan, un cadran solaire et des modules d’interprétation rappelant l’histoire du site et de la famille éponyme. On compte également y intégrer la reproduction du tableau à l’huile qu’a peint François Malépart de Beaucourt, représentant Marie-Josèphe Antoinette de Gannes de Falaise, épouse de René Boileau. 

Rappelons que les travaux relèvent du projet Le Jardin Boileau : entre le passé et le présent, soumis par la citoyenne Karine Boulanger, dans le cadre du budget participatif de 2020. Le chantier sera mené jusqu’à la fin du mois de juillet, sous la responsabilité du Service des travaux publics.

Le concept du jardin

S’il rappellera aux Chamblyens le traumatisme engendré par la démolition du bâtiment patrimonial qui s’y trouvait, le jardin incarnera aussi le symbole d’une leçon à retenir, tout en s’harmonisant avec la nature. Bien qu’on en doive le concept rustique et français à son instigatrice, Karine Boulanger, c’est aussi en partie grâce à l’historien Raymond Ostiguy qu’il a pu être élaboré, l’homme s’étant inspiré des vrais jardins de René Boileau, ainsi que de ses documents manuscrits en matière d’horticulture, pour faire ses recommandations. M. Ostiguy a également collaboré à la création et à la sélection du contenu informatif, qui rappellera des faits historiques sur les modules d’interprétation.

Mémoire et blessure vives

Les historiens Raymond Ostiguy et Louise Chevrier. (Photo : Chloé-Anne Touma)

Le journal est allé à la rencontre de M. Ostiguy et de sa conjointe, Louise Chevrier, pour se replonger dans le contexte à l’origine du projet, qui se veut un hommage à la maison Boileau. Le couple passionné d’histoire se remémore sa démolition comme si c’était hier. « Tout a commencé en 2016, lorsque j’ai vu un affichage sur le cadre de porte de la maison Boileau, annonçant qu’elle serait démolie. Avec d’autres citoyens, dont André Bujold, nous nous sommes alors intéressés aux manières dont nous pouvions nous opposer à cette décision », raconte M. Ostiguy, engagé depuis 2016 pour sauver la demeure historique. « Nous avons tout de même pu la sauver, lorsque la Ville de Chambly en a fait l’acquisition en 2016 », rappelle l’historien. « Or, à la suite de travaux de curetage, la maison a commencé à s’effondrer, ce qui a mené au malheureux dénouement que l’on connaît, le 22 novembre 2018. Nous n’oublierons jamais la journée de la démolition », complète Mme Chevrier, qui, comme son mari, connaît l’histoire de la famille Boileau comme s’il s’agissait de la sienne. « L’histoire des Boileau, c’est aussi celle de Chambly. C’était une famille de notables, très ancrée dans le pays. La démolition nous aura empêchés de découvrir l’histoire à l’origine de la maison. C’est pourquoi nous revendiquons, auprès de la Ville, l’exécution de travaux archéologiques sur le site des maisons historiques, à mener avant leur démolition », insiste l’historienne, précisant que des documents attestent « de l’existence de cette maison en 1819, mais (qu’) elle a dû être construite avant cette date ».

Le président de la Société d’histoire de la seigneurie de Chambly, René Fournier, se souvient aussi, trémolo d’émotion dans la voix, de la maison ancestrale. « Elle a été détruite de manière intentionnelle », déplore celui qui se rappelle également la démolition, dans les années 1980, de la maison de naissance de la cantatrice Emma Albani, toujours sur la rue Martel. Il déplore finalement que très peu de documentation existe aujourd’hui pour se souvenir des maisons historiques. En collaboration avec la population et le reste des membres de la Société d’histoire, il entend constituer un nouvel inventaire patrimonial pour y documenter le patrimoine bâti de la région.