Inclure les gens de terrain dans le processus de refonte du programme de formation en français
Le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, entend revoir entièrement le programme de formation en français, de la première année à la cinquième secondaire. Le Syndicat de Champlain émet ses réticences.
Québec a déposé son Plan d’action de 603 M$ visant à freiner, à arrêter et à inverser le déclin de la langue française. Parmi les mesures ciblées, l’amélioration de la maîtrise du français des élèves et des étudiants québécois ressort.
« On a vu dans le passé des groupes d’experts qui se trouvent au Ministère, qui réfléchissent avec les universitaires, mais ça ne vient pas se coller à la réalité du milieu. » – Jean-François Guilbault
L’actualisation des programmes d’études de français, langue d’enseignement, est dans la mire. Le projet est encore embryonnaire. Jean-François Guilbault, président du Syndicat de Champlain, parle de l’enjeu principal entourant la révision du programme. « Il faut éviter d’en arriver à la fameuse dérive que l’on observe déjà, c’est de cloisonner le français dans la talle des enseignants de français. Si le ministre de l’Éducation a effectivement l’intention de revaloriser et d’améliorer la maîtrise du français des élèves québécois, c’est clairement une responsabilité qui doit être partagée par l’ensemble des acteurs de la communauté éducative », estime le président syndical. Il inclut tout le corps enseignant ainsi que le personnel de soutien, les directions, les professionnels, les centres de services scolaires et la communauté éducative, soit l’environnement familial.
Il considère que cela doit se traduire par des « gestes concrets » dans l’ensemble des activités éducatives de l’école. « La capacité de faire une intervention sur les habiletés en français des élèves est exclusivement du ressort des enseignants de français », dénonce M. Guilbault. Un enseignant de géographie ou de mathématiques ne peut donc pas intervenir sur la qualité du français d’un élève dans un travail ou un examen. « Ça envoie un signal, rapidement capté par les étudiants, que l’importance, c’est de l’accorder dans les cours de français et non pas dans les autres sphères du milieu scolaire », expose-t-il.
Partie prenante de l’exercice
Le président du Syndicat de Champlain soutient que ses membres souhaitent « être partie prenante de la réflexion, des solutions et de la mise en œuvre » de cette nouvelle mouture à venir du programme de la formation en français. « On a vu dans le passé des groupes d’experts qui se trouvent au Ministère, qui réfléchissent avec les universitaires, mais ça ne vient pas se coller à la réalité du milieu », reproche-t-il.
Jean-François Guilbault soulève « l’arrivée massive » d’élèves allophones. « C’est une mixité souhaitable mais qui fait que le français est mis à mal dans la réalité quotidienne des étudiants, parce que c’est plus facile de pouvoir discuter dans une autre langue que le français dans un milieu scolaire », déclare-t-il. Il blâme le manque de financement pour offrir les « ressources nécessaires » à ces élèves immigrants à franciser. Il nuance que c’est une réalité qui ne s’applique pas qu’en milieu urbain. « Le contexte est changé, dorénavant. On observe cette réalité à l’extérieur de Montréal », note-t-il.
S’approprier un nouveau programme
S’approprier un nouveau programme implique de la formation et de l’accompagnement pour les enseignants concernés. « Ça fera partie des demandes syndicales : s’assurer que l’on a les outils et le matériel nécessaires et que l’on ne se retrouve pas, comme on l’a vu, en implantation de nouveaux programmes sans ressources quand la date d’application arrive », déclare M. Guilbault, qui réclame un échéancier « réaliste » pour ses membres. Il admet qu’une implantation représente du travail supplémentaire qui nécessite du temps considérable d’appropriation.
L’appropriation d’un nouveau programme avec du personnel non légalement qualifié fait partie des enjeux envisageables. « Ça pourrait devenir une lourdeur pour les collègues qualifiés autour, qui devront aiguiller et épauler en même temps que s’approprier un programme d’enseignement nouveau », entrevoit M. Guilbault.
Jean-François Guilbault prévoit, sous toutes réserves, environ deux ans avant de dire qu’un nouveau programme est maîtrisé, selon les modalités de celui-ci.