Des enfants qui sont aussi victimes
Quand une mère victime de violence conjugale trouve refuge à la Maison Simonne-Monet-Chartrand (MSMC), ce n’est pas qu’une femme que la MSMC protège, mais bien une famille.
Ce sont des enfants allant de la naissance jusqu’à l’âge de 17 ans qui accompagnent ces mères qui ont posé l’action de se rendre à la MSMC. Accueillir une femme en détresse relève déjà du défi. Lorsque celle-ci est accompagnée d’un enfant, la mission s’en trouve accentuée. « Ces cas demandent toute notre attention, car l’enfant est aussi considéré comme une victime. Les enfants exposés à ce type d’environnement partent hypothéqués dans la vie », mentionne Hélène Langevin, directrice générale de la maison d’hébergement. Un phénomène remarqué par celle-ci, c’est l’inversion des rôles. Certains enfants se transformeront en parent et voudront prendre soin de cette mère blessée. « Notre mandat est de permettre aux enfants d’être des enfants tout en conscientisant la maman à cette réalité », ajoute Mme Langevin. À travers ce cheminement, les travailleuses de la MSMC souhaitent voir la mère reprendre le pouvoir de sa vie et s’approprier à nouveau son rôle de parent.
« Notre mandat est de permettre aux enfants d’être des enfants. » – Hélène Langevin
Un père dans le portrait
Quand une mère se présente à la MSMC afin de se protéger, cela ne fait toutefois pas disparaître le lien légal paternel envers l’enfant. La MSMC doit négocier avec le père tout en assurant la sécurité de la femme ainsi que celle de l’enfant. L’échange de l’enfant doit s’effectuer tout en conservant le lieu d’hébergement confidentiel. « Ce n’est pas simple, admet Hélène Langevin. Une maman peut venir de Montréal et l’enfant ne va pas à l’école, car il n’y a pas de transport. Les dossiers mère-enfant sont très complexes et demandent toute notre attention. » La MSMC accompagnera la mère à établir sa sécurité et, à travers cela, écoutera les besoins de l’enfant. « Souvent, l’enfant dira qu’il aime papa et c’est correct, ça. On aide l’enfant à dissocier le comportement du père envers la mère. Si le père est violent aussi avec l’enfant, l’enfant l’exprimera généralement d’une certaine façon. Si tel est le cas, la mère devra faire ce qu’il se doit avec son avocate pour ne pas mettre son enfant entre les mains d’un agresseur. » Bien que ce soit du cas par cas, la priorité de la MSMC est que l’enfant puisse poursuivre son parcours scolaire en sécurité tout en respectant les jugements qui sont en cours.
La MSMC a un permis pour 16 places. Il n’est pas rare que de ces 16 places, 8 soient occupées par des enfants de femmes victimes de violence.
Retrouver sa victime
L’enfant est loyal envers ses deux parents. Il peut devenir un outil pour le père qui cherche à retrouver la mère de l’enfant. Une intervenante jeunesse aura une discussion avec l’enfant pour voir si celui-ci comprend la situation. Dans les scénarios de protection, l’échange de l’enfant se fera à plusieurs kilomètres de la maison d’hébergement. Un jeune enfant sera rapidement désorienté et ne pourra pas donner d’indications précises pour retrouver les lieux. Dans le cas d’un adolescent, la situation est autre. « Plus consciente de ce qui se passe, cette tranche d’âge ne veut pas nécessairement retourner voir leur père pour le moment », nuance-t-elle.
Plusieurs subterfuges sont tentés dans le but de localiser la MSMC. « Environ au moins 40 % des hommes tentent de retrouver la femme en question. Ils essaient d’être créatifs, mais ne sont pas très habiles », dit Mme Langevin. Elle résume que certains font appeler une autre femme qui se fait passer pour une avocate. Des hommes prétendent être médecins ou notaires. D’autres sont même allés jusqu’à demander à des femmes de leur réseau de faire une demande d’hébergement dans le but d’y faire du repérage. « Ils pensent qu’on ne les voit pas venir. C’est très rare que l’on se fasse passer un sapin, mais il y a beaucoup de tentatives », s’indigne la DG. Dans un cas où l’homme violent en vient à savoir où demeure la femme qu’il a violentée, celle-ci devra être transférée dans une autre maison d’hébergement.
Sentences exemplaires
En matière de violence conjugale, des juges ont dernièrement passé des messages en termes de sentences liées à la violence conjugale et au droit de la famille. Les droits parentaux du père ont même été retirés dans certains cas. Hélène Langevin marque l’importance des sentences sévères, mais elle souligne que ça ne permet pas une guérison. « Ce que les victimes souhaitent davantage, c’est que l’agresseur reconnaisse son geste, qu’il s’excuse, que l’on sente les remords, mais ça n’arrive pas souvent. Ça enlève dans l’esprit de la femme que ce n’est pas de sa faute », met-elle en perspective. Dans un processus de guérison, dans certains dossiers, le rôle de l’agresseur est substitué par un comédien pour qu’un dialogue existe entre la femme agressée et l’agresseur.
Malgré ces sentences dites plus dissuasives, la directrice générale parle des agresseurs qui passent à travers les mailles du filet de la justice et de l’effet que ça a auprès des victimes. « Le message que ça envoie aux victimes, c’est que de dénoncer, c’est beaucoup de travail et qu’il n’y a pratiquement pas de résultats. »