Marieville : difficile d’éviter la déprime pour des immigrants

Longuement séparés de leur famille respective, des immigrants sur le territoire ressentent l’effet de l’isolement que peut procurer la barrière des cultures.

C’est le cas du Césairois Ricardo Torres. Arrivé du Mexique en octobre 2022, il a laissé derrière lui ses deux enfants, âgés de 11 et 16 ans, ainsi que sa femme. « Je suis seul. Je me sens parfois triste, déprimé », confie-t-il au journal, lors d’une entrevue menée en anglais.

« J’ai des collègues de travail, mais je n’ai pas d’amis. » – Ricardo Torres

Pour sortir de cet état et ne pas constamment penser à sa famille, Ricardo Torres explique qu’il tente de s’occuper autant que possible. « Je vais au gym une heure ou deux avant de retourner chez moi. J’essaie de briser la solitude et de me distraire », dépeint-il quand il finit le travail.

Son cercle social est restreint. « J’ai des collègues de travail, mais je n’ai pas d’amis. Je ne dis pas »ami », car les amis sont des gens de qui tu es proche », nuance-t-il. Il raconte qu’il n’est pas non plus facile de s’intégrer dans le voisinage. « On se salue, mais ils ne viennent pas vers moi pour me demander comment je me sens ou si j’ai besoin de quelque chose », met en reflet M. Torres. Pour socialiser, il se tourne vers les messes espagnoles, de plus en plus répandues sur le territoire. 

« Nous faisons tout pour prévenir les risques de dépression chez nos participants en leur offrant un soutien psychologique adapté, ainsi que des outils concrets pour favoriser leur bien-être », assure Intégration compétences (IC), organisme avec lequel collabore M. Torres. IC dit orienter ses usagers vers des ressources locales spécialisées, comme Aide psychologique, Familiale Rive-Sud et les Services psychosociaux Montérégie. Ces organisations offrent des services de santé mentale et accompagnent les personnes en difficulté.

Attendre la famille

Le Mexicain vient de remplir le formulaire de demande pour faire venir les membres de sa famille. Il est dans l’attente d’une réponse. Dans l’incertitude, M. Torres souhaite pouvoir les accueillir dans environ trois ou quatre mois. Il ne les a vus qu’une seule fois depuis les deux dernières années, alors qu’il est allé deux semaines dans son pays natal.

Barrière de la langue

« C’est difficile, car je ne parle pas français. Présentement, c’est compliqué pour moi de m’exprimer. Je suis limité », mentionne l’homme désormais établi en région. Il est initialement arrivé à Montréal. Il a demeuré plus tard à Longueuil avec d’autres Latino-Américains. « Plus près de Montréal, les gens parlent anglais. C’était plus facile », convient-il. En janvier 2024, Il s’est installé à Saint-Césaire, seul. Il considère que la population d’ici est compréhensive à l’endroit de son incapacité de communiquer en français.

Ricardo Torres a appris l’anglais par lui-même. Il est en processus de francisation depuis mars dernier au Centre d’éducation des adultes La Relance, à Marieville. Parfois, d’autres Latino-Américains, qui ne s’expriment ni en français ni en anglais, demandent à Ricardo de les accompagner pour faire leurs courses afin qu’il serve d’interprète. Aussi, il a un véhicule, ce qui n’est pas le cas de certains immigrants qui l’entourent. IC fait savoir que la barrière linguistique peut être surmontée grâce à une banque d’interprètes accessible par l’entremise des Services psychosociaux Montérégie.

Repartir à zéro

D’où il vient, le père de famille évoluait en ressources humaines. Il travaille désormais pour l’entreprise rougemontoise Lassonde comme conducteur de chariot élévateur. « J’ai dû ajuster mon état d’esprit. En venant ici, je savais que je recommençais à zéro », remarque-t-il.

Le Mexicain n’écarte pas l’idée, un jour, de travailler dans la sphère professionnelle qu’il a connue dans son pays d’origine. Financièrement, la situation n’est pas rose pour Ricardo Torres, qui fait appel aux banques alimentaires pour arriver. « Les épiceries sont très chères, ici. J’utilise l’aide », confie-t-il avec humilité. 

L’homme de 47 ans travaille sur le quart de nuit, de 23 h 15 à 7 h 15. Ses leçons de français débutent à 8 h 30 et se terminent à 11 h 40, établit-il. « J’arrive chez moi, je déjeune.

Je cuisine de la nourriture pour le soir et je dors quelques heures », décrit-il comme routine.