Initiations, bagarres et abus psychologique
L’homme de hockey chamblyen Joël Perrault revient sur les nombreux bouleversements qui ont frappé le monde du hockey depuis les derniers mois.
Joël Perrault a vécu des initiations lors de son passage dans la Ligue de hockey junior majeur du Québec (LHJMQ). Il y a joué de 2000 à 2003, avec le Drakkar de Baie-Comeau. Il ne s’est toutefois pas reconnu à travers ce qu’un juge de la Cour supérieure de l’Ontario a révélé dans le cadre d’une demande de recours collectif, le 3 février dernier. Le magistrat avait alors levé le voile sur ce qu’ont vécu des joueurs de la LHJMQ, de la Ligue de hockey de l’Ontario et de la Ligue de hockey de l’Ouest. « Physiquement et sexuellement agressés, violés, victimes de viols collectifs, forcés d’agresser physiquement ou sexuellement des coéquipiers, encouragés à agresser sexuellement, individuellement ou en groupe, des jeunes femmes invitées à des partys d’équipe; forcés de boire, ou de manger, de l’urine, de la salive, du sperme, des excréments ou d’autres substances abjectes », sont les éléments que ce juge a notamment décrits en rapport à des initiations s’étant déroulées chez des joueurs d’âge junior.
Poisson rouge au menu
« Ça a été fait dans le respect, je dirais. On ridiculise un peu les nouveaux, mais je n’ai jamais vu d’excès », rappelle Joël Perrault quant à ses initiations dans la LHJMQ. L’homme de 39 ans soutient que l’alcool était en jeu. « Avec le recul, je réalise que ça aurait pu prendre un tournant plus catastrophique », convient celui qui a été repêché par les Mighty Ducks d’Anaheim en 2001. Il fait ici allusion à des « jeunes de 16-17 ans qui sont un peu forcés de prendre de l’alcool ». Il souligne qu’à chaque occasion, dans son cas, des adultes étaient présents et contrôlaient la situation.
Pour sa part, c’est vêtu simplement d’une couche que Joël Perrault a dû circuler aux abords du cégep de Baie-Comeau. Ainsi habillé, il devait aller demander à une femme de son âge quel était son prénom. « Il faut que l’on prenne aussi le côté humoristique de ça », met-il en perspective. À travers les défis qui lui ont été soumis, Joël Perrault a ingurgité un poisson rouge. « C’est probablement ma pire chose à faire, mais je ne pense pas que c’était un gros manque de respect par rapport à ce que l’on entend », ajoute le Chamblyen.
Le souper des recrues
Le fameux souper des recrues est une tradition bien connue dans la LNH. Le concept est simple : les plus jeunes joueurs doivent payer le souper aux vétérans de l’équipe. C’est avec les Coyotes de Phoenix que Joël Perrault a vécu ce rituel. « Jamais je n’ai vu les vétérans manquer de respect envers les jeunes. C’est sûr que les gars, on est plus vieux, rendus dans la vingtaine », dit-il.
C’était Shane Doan, alors capitaine de l’équipe, qui avait organisé le souper des recrues. Joël Perrault venait d’être rappelé du club école en compagnie du défenseur Keith Yandle. L’équipe jouait à New York. Les deux jeunes se sont donc joints à cinq ou six autres recrues, réduisant la facture parce qu’elle se trouvait ainsi divisée au sein d’un groupe plus important. Il lui en a coûté environ 3 500 $, dans un steakhouse renommé, directement à Times Square, au cœur du Big Apple. Il a ensuite vécu deux soupers des recrues, cette fois à titre de vétéran pouvant profiter de la situation.
« En aucun temps, je ne coacherais mes jeunes de la façon dont j’ai été coaché dans le junior. »
– Joël Perrault
Plus tard dans sa carrière, Joël Perrault a joué professionnellement quatre ans en Europe (Suisse, Finlande et Allemagne). « Je n’ai jamais vu de soirées des recrues. C’est à se demander effectivement si c’est quelque chose qui est plus nord-américain », se questionne-t-il.
Être entraineur en 2023
Joël Perrault est l’entraîneur des Vikings de Saint-Eustache dans la Ligue de développement du hockey M18 AAA, anciennement la Ligue de hockey midget AAA. « Dans mes valeurs, à ce groupe d’âge-là, il n’y a aucune recrue et aucun vétéran. C’est mon message en partant avec les joueurs qui ont plus d’expérience. Ils vont les traiter équitablement », établit l’entraîneur qui ne permet pas d’initiations. Il justifie cet état en raison du fait que les joueurs sont mineurs et qu’il veut que les jeunes fraîchement arrivés du bantam se sentent « aussi importants » qu’un joueur ayant, par exemple, été repêché dans LHJMQ, de retour pour une autre saison dans le M18AAA.
Les méthodes de coaching ont changé entre l’époque où Joël Perrault était sur la glace et celle où il se trouve à son tour derrière le banc. Psychologiquement, la façon d’aborder les joueurs n’est plus ce qu’elle a pu être au temps des Mike Keenan de ce monde. « Dans tous les squelettes qui ressortent des placards, c’est ça qui m’interpelle. Le vrai problème, à l’époque, c’était plus comment les entraîneurs se comportaient. S’il y avait de quoi à déterrer, ce serait plus ça », met-il en lumière. Il parle d’abus et de manipulation psychologiques. « En aucun temps, je ne coacherais mes jeunes de la façon dont j’ai été coaché dans le junior. »
Ça a brassé dernièrement dans le M18AAA. Arnaud Dubé, homologue de Joël Perrault avec les Élites de Jonquière, a retrouvé, en février dernier, son poste d’entraîneur après avoir démissionné une semaine plus tôt. Il avait été ciblé pour des propos déplacés tenus à l’endroit de certains joueurs en 2021. « Il avait admis ses torts l’an dernier. Il avait accepté, à la demande de la Ligue, de refaire la construction de son image. C’est dommage que ça ressorte un an plus tard, après avoir été géré par le comité des plaintes de la ligue », exprime M. Perrault. Il connait « très bien » Arnaud Dubé. « Je suis convaincu qu’il regrette les termes qu’il avait utilisés à l’époque. J’étais quand même content de le voir réintégrer la ligue. Il a payé pour ses fautes, tout le monde a droit à une deuxième chance », complète-t-il.
Bagarres dans la LHJMQ
La LHJMQ a fait un pas de plus vers la direction d’éradiquer les bagarres dans le circuit. Selon la nouvelle règle, qui devra être entérinée dans le cadre des prochaines assises de la LHJMQ en juin prochain, un combat entraînera l’expulsion immédiate des joueurs impliqués. Joël Perrault a connu des saisons flirtant avec les 100 minutes de punition avec le Drakkar, dans le junior. « C’est une excellente nouvelle. On devait se battre même si l’on n’était pas nécessairement tough. Des fois, les cinq joueurs se battaient en même temps et je te dis que ce n’est pas les cinq qui voulaient nécessairement », rappelle-t-il. C’est d’ailleurs l’un de ses coéquipiers à Baie-Comeau qui détient le record de minutes de punition de tous les temps dans la LHJMQ. Au terme de la saison 2002-03, Marc-André Roy avait alors brisé le record du moment avec un total de 653 minutes de punition à 19 ans.
Dans le M18AAA, les bagarres sont pratiquement inexistantes. Les joueurs portent des grilles qui couvrent entièrement le visage. Trois matchs de suspension seraient la sentence. Les échanges entre opposants s’arrêtent aux classiques escarmouches après le coup de sifflet.
Les Vikings premiers
Joël Perrault a connu toute une saison à la barre des Vikings de Saint-Eustache, pour une troisième campagne. L’équipe a terminé au premier rang de la ligue, ne subissant que 5 revers en temps régulier en 42 parties.
Les séries éliminatoires sont entamées. Les attentes sont élevées envers le club eustachois qui vient d’éliminer les Forestiers d’Amos 3 à 1 dans sa série. En deuxième ronde, les Vikings se mesureront dès demain à Laval-Montréal. « Les joueurs se mettent une pression additionnelle. On essaie de gérer ça avec eux pour qu’ils puissent avoir du plaisir dans le processus, mais c’est sûr que notre objectif final, c’est d’aller jusqu’au bout », termine le Chamblyen.