La route des Jeux olympiques
La route peut être longue, éreintante, frustrante, parfois même cruelle pour que des athlètes telles les Jacqueline Simoneau, Rachel Leblanc-Bazinet ou Myriam Da Silva atteignent le prestigieux objectif qu’est celui de participer aux Jeux olympiques (JO). Annie Pelletier, médaillée de bronze en plongeon aux JO d’Atlanta en 1996, l’a marchée, cette route.
Les heures, les efforts, les sacrifices ne se calculent pas. Seul le but, qui semble par moments intangible, loin dans la mire, compte. « On parle d’un minimum de 7 à 8 ans d’entraînement très intensif avant d’atteindre les JO, si ce n’est pas plus », chiffre Annie Pelletier, dont le sport requiert constance et perfectionnement en continu. L’olympienne aujourd’hui à la Fondation de l’athlète d’excellence du Québec et originaire de Montréal, préfère ne pas parler de sacrifices et opte plutôt pour l’utilisation du mot ‘’choix’’. « Je n’ai pas eu l’impression que je me suis sacrifiée; je me suis engagée envers mon sport, c’est mon choix. Personne ne m’a tordu le bras pour faire du plongeon. C’était ma passion, et mon rêve olympique était présent dès l’âge de 5 ans », renchérit celle dont l’aventure en plongeon a débuté alors qu’elle avait 13 ans.
Ces choix, bien que volontaires et assumés, ont un coût mesurable. « Je n’étais pas dans les activités parascolaires, je n’étais pas dans les partys la fin de semaine et je ne dînais pas à l’école. Mon réseau social n’était pas développé. On vit de la solitude, comme athlète de pointe. Tu ne vis pas la même adolescence. Tu as un parcours marginal », confie-t-elle.
Comme « choix déchirant futile », Annie Pelletier se souvient avec légèreté de n’avoir pu assister aux concerts de Céline Dion et des Rolling Stones, à Montréal, lors de l’année olympique. Cela aurait bouleversé l’entraînement matinal et, malgré sa demande de ‘’dérogation’’, elle n’avait pas obtenu la permission de son entraîneur. « Si tu ne vois pas Mick Jagger pendant trois ans dans ta vie, tu vas survivre. Mon entraîneur m’avait dit que Céline, je pourrais la voir après les Olympiques, et c’est exactement ce qui est arrivé. » Les astres s’alignant, Céline Dion avait chanté The Power of the Dream lors de la cérémonie d’ouverture des JO d’Atlanta 1996.
« Pendant que mes parents passaient des vacances dans l’Est de Montréal, sur leur balcon à écouter les Expos, moi, pendant l’année, ils m’envoyaient en Chine et en Russie pour que je m’entraîne. » – Annie Pelletier
Du talent… et de l’argent
Au-delà des efforts et du talent, l’argent fait partie de l’équation pour atteindre les sommets convoités. « Même s’ils ne sont pas d’accord, je trouve que ce sont mes parents qui se sont sacrifiés. Pendant que mes parents passaient des vacances dans l’Est de Montréal, sur leur balcon à écouter les Expos, moi, pendant l’année, ils m’envoyaient en Chine et en Russie pour que je m’entraîne », reconnaît la plongeuse, qui en pleure encore aujourd’hui en y repensant. Chaque fin de semaine, les parents d’Annie Pelletier la menaient à bon port à raison de deux entraînements par jour les samedis et les dimanches. « Si j’avais eu des parents médecins ou avocats, avec beaucoup d’argent et un chalet, et que l’on avait voulu en profiter chaque fin de semaine, peut-être que je ne serais pas là pour t’en parler », conclut-elle sur le sujet.
Vivre ses Jeux
Tout bon sportif s’est déjà questionné à savoir comment il vivrait ses Jeux s’il y avait accédé. On est dans sa bulle? On se colle aux athlètes de sa nation? On fraternise avec nos homologues compétiteurs? « J’aime jaser et j’aime les langues. J’avais appris à dire ‘’bonne chance’’ dans comme 20 langues. Je n’avais aucune hargne. On voit ça, des fois, sur la piste d’athlétisme, les filles qui se regardent avec de gros egos, style catfight. T’sais, si elles pouvaient se griffer, elles le feraient. Moi, je n’étais pas comme ça et je me disais que, rendue là, que la meilleure gagne et je ne commencerai pas à intimider, voyons donc! », commente la bonne joueuse, qui considère qu’à ce point, toutes méritent de gravir les marches du podium.
Arrivée à Atlanta autour du 16 juillet cet été-là, Annie Pelletier n’entrait en scène que le 31. « La pression montait d’un cran chaque jour. Tu vois des gens qui performent, qui contreperforment, qui craquent sous la pression, qui vivent la gloire et, là, je commençais à me focaliser sur le résultat au lieu de sur ce que j’avais à faire au tremplin », se rappelle la sportive. Celle-ci est donc partie dans un centre d’entraînement à Moultrie, en Géorgie, pendant une dizaine de jours pour faire baisser la pression. Ce n’est que quatre jours avant sa compétition qu’Annie Pelletier a effectué son retour au Village olympique pour se réhabituer à la piscine d’Atlanta et à son environnement, s’appropriant le bronze quelques jours plus tard.
L’après JO
Tant d’années d’entraînement contre deux semaines de projecteurs éclatants tous les quatre ans peut sembler une réalité ingrate, particulièrement dans le cas où un athlète sous-performe, pour mieux retourner dans l’ombre. « Il ne faut pas le voir comme étant ingrat, énonce-t-elle. Les athlètes, on a le privilège d’être en santé pour faire du sport de haut niveau. Ensuite, on a un ou des talents. On ne fait pas pitié, les athlètes. On fait ce que l’on aime, on l’a choisi, notre sport », termine avec sagesse celle qui, comme ses homologues, a atteint son apogée sportif plus hâtivement dans sa carrière, comparativement à d’autres athlètes au sein de disciplines comme le triathlon ou le sport équestre, par exemple.